Le “bourgeois gaze” : au cinéma, le monde est perçu à travers les lunettes déformantes de la bourgeoisie

C’est l’insupportable promo de Seize Printemps, le film de Suzanne Lindon-Kiberlain, qui réalise son premier long-métrage à 21 ans – et uniquement grâce à son talent, on ne vous laissera pas dire le contraire – qui a jeté le feu aux poudres. Un long débat de déontologie journalistique s’est ouvert au sein de la rédaction de Frustration : devais-je aller endurer ces 74 minutes de torture pour pouvoir prétendre parler du film, quitte à mettre ma santé en danger lorsque l’on connait les possibles effets d’une montée de tension prolongée ? Et pourtant, impossible de me défaire du sentiment peu humble d’être parfaitement capable de raconter l’entièreté du film en ayant simplement vu l’infernale bande annonce. Il y a une raison objective à cela : Seize Printemps s’inscrit dans une vision du monde partagée par la plupart des films dont nous abreuve la bourgeoisie française depuis 60 ans. Le cinéma bourgeois a encore frappé.

Draguer un bourgeois trentenaire en costume cravate à la terrasse des cafés parisiens en dansant de manière malaisante : l’activité préférée des jeunes lycéennes (selon eux).

Wikipedia (ma principale source de culture n’en déplaise à d’anciens profs relous) nous apprend que le “male gaze” est un concept forgé en 1975 par la critique de cinéma Laura Mulvey, qui “désigne le fait que la culture visuelle dominante imposerait au public d’adopter une perspective d’homme hétérosexuel”.  C’est de ce concept que nous déduisons et proposons de parler du “bourgeois gaze”, désignant le fait que le cinéma, particulièrement français, impose au public d’adopter une perspective de gros bourge du XVIe arrondissement de Paris. 

Mais alors, comment se traduit le bourgeois gaze, cette vision bourgeoise du monde dans le cinéma ? 

Le “social” : des prolos obèses et moustachus qui font la gueule dans une France grisâtre

Si le bourgeois est surpris de voir son cinéma qualifié comme tel, c’est que poursuivant toujours son entreprise de dissimulation, y compris dans le domaine artistique, il n’a même pas forcément conscience d’épouser le point de vue de sa classe. En effet, il adore “le cinéma social”, celui qui dénonce, sans jamais renoncer à la complexité (dans ce contexte, complexité désigne le fait de nier la lutte des classes, trop manichéenne). Si le ton n’est donc pas celui de légitimation pure du rapport de domination, il est toutefois celui de l’indignation condescendante et de la fatalité. 

Ce…

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Auteur: Rédaction Frustration Mag