1995, l'histoire d'une grève victorieuse

Rémi Azemar, doctorant à l’université de Rouen (Seine-Maritime), prépare une thèse sur la mobilisation sociale de 1995 qui a fait plier le gouvernement. Il a écrit sur le sujet dans Contretemps.

Reporterre — Quels points communs y a-t-il entre le mouvement social de 1995 contre le plan Juppé et celui contre la réforme des retraites d’Emmanuel Macron ?

Rémi Azemar — Le premier point commun, c’est qu’on a un gouvernement de droite, qui a un projet libéral. Il y a aussi un contexte d’inflation — même si elle est plus forte aujourd’hui —, de crise sociale et de manque de confiance dans les institutions politiques. On entend dans les manifestations une opposition au modèle néolibéral, comme en 1995.

Par ailleurs, le projet de réforme des retraites est justifié de la même manière, avec trois éléments de langage. Le premier est comptable. On nous dit que c’est une question de chiffres, que ce n’est pas un choix idéologique mais économique. Le deuxième argument est que si l’on ne réforme pas, le régime se meurt. On fait ça pour sauver les retraites. Le troisième élément de langage, c’est de dire que les personnes n’ont pas compris. Il a été reproché à Alain Juppé de n’être pas assez pédagogue.

Il faut rappeler qu’en 1995 le projet était plus large, il s’attaquait à diminuer les dépenses de santé et de la Sécurité sociale. Il y avait aussi un contrat de plan SNCF, la libéralisation d’EDF-GDF, etc. Les retraites n’étaient qu’un point du plan Juppé. Et en 1995, la réforme des retraites ne touchait que le secteur public, le privé étant déjà passé à quarante annuités en 1993. Aujourd’hui, la réforme touche tout le monde.

Pourquoi le mouvement social de 1995 a-t-il déclenché une mobilisation massive ?

Il y a eu une conjonction de facteurs. Le climat social était propice. La gauche venait de quitter le pouvoir et s’est retrouvée obligée de suivre dans la rue. Dès le 10 octobre 1995, il y a eu une manifestation intersyndicale qui a amené énormément de monde.

L’étincelle est venue d’un déclenchement de grèves qui se sont succédé dans certains secteurs. Les universités, les lycées étaient occupés. Le début de la grève reconductible à la SNCF, le 24 novembre, a lancé le mouvement.

Comment le mouvement s’est-il ancré et étendu ?

Il y a eu plusieurs manières de faire grève. Il y avait celles de quatre jours à certains endroits, de deux ou trois semaines à d’autres, des gens qui faisaient un jour par-ci, par-là. Il y avait aussi des évènements tous les jours. Les électriciens gaziers de Saint-Étienne (Loire) qui ont muré la mairie, des étudiants qui faisaient une action festive le soir, la DDE [Direction…

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Auteur: Marie Astier Reporterre