2020, rentrée de la honte

J’ai honte d’expliquer aux étudiant·es que l’année a commencé depuis dix jours mais qu’ils et elles n’ont pas encore de groupe de TD, voire que certain·es ne sont pas encore inscrit·es dans la formation qu’iels demandent, De leur dire qu’on attend de savoir si nous aurons un·e prof pour telle ou telle matière, De leur dire qu’on attend de savoir si nous aurons une salle, De leur dire qu’on ignore si cette salle sera équipée et qu’on ignore si nous pourrons y ouvrir les fenêtres, De leur dire que l’emploi du temps n’est pas terminé, qu’il va encore devoir bouger, qu’iels vont devoir l’expliquer à leur employeur·se, Honte de leur demander d’être patient·es et compréhensif·ves, Honte de leur expliquer que le port du masque est obligatoire, mais qu’ils et elles vont devoir le financer, Honte de ne pas pouvoir leur offrir ce service public de l’enseignement supérieur qui m’a tant donné, il y a seulement vingt ans.

J’ai honte de leur annoncer que la secrétaire, en burnout, a été mise en arrêt maladie pour dix jours et qu’on va devoir « bricoler » sans elle.

J’ai honte de me dire que je n’ai pas fait toutes ces années d’études pour passer mes journées à faire des inscriptions pédagogiques dans des tableaux Excel.

J’ai honte d’avoir parfois envie de changer de métier, parce que, depuis des années, je n’exerce plus le métier pour lequel je me suis préparée avec envie et passion.

J’ai honte de demander à la chargée de cours, déjà bien éprouvée par sa propre rentrée au lycée, si elle peut décaler son premier cours de 9h à 8h du matin, ce qui l’oblige à prendre le train de 6h26, train qui ne lui sera pas remboursé, Honte de recevoir un SMS de sa part à 8h20 m’informant que la connexion ne fonctionne pas dans la salle et qu’elle ne peut donc pas assurer…

Auteur : Gilles Martinet
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