5 millions d'abeilles tuées, un pesticide soupçonné

Sens (Yonne), reportage

En cette saison printanière, la clairière devrait résonner du bourdonnement des butineuses. Mais les ruches, alignées entre les herbes folles, paraissent étrangement calmes. Mathias Picasse balaie la scène d’un regard triste : « Bienvenue au cimetière », annonce-t-il. D’un geste sûr, il ouvre une des dizaines de ruches entreposées chez lui à Sens (Yonne), soulève les cadres encore suintants de miel. Dessous, un tapis d’abeilles mortes. En octobre dernier, 167 de ses 170 colonies ont été décimées. Soit 5 millions d’insectes pollinisateurs. « C’est comme si j’avais perdu 167 enfants », souffle-t-il.

Barbe parfaitement taillée et carrure de sportif, le jeune informaticien a été piqué par le virus de l’apiculture il y a cinq ans. « Lors d’une soirée, un copain m’a montré une ruche, ça m’a plu, dit-il. Je cherchais un truc pour donner du sens à ma vie, ça a été l’abeille. » L’abeille noire plus précisément, cette race rustique et locale, menacée de disparition. Il s’est passionné pour ces hyménoptères, a appris à communiquer avec elles « en “écoutant” leurs bourdonnements, doux ou agressifs, quand on ouvre une ruche ».

En parallèle de son job, il s’est formé sur le tas, passant tous ses week-ends au chevet de ses amies rayées. Peu à peu, il a multiplié les essaims, planté des arbres et des fleurs mellifères. « Mon but n’était pas de produire du miel, mais d’élever des reines et de constituer des essaims à vendre à d’autres apiculteurs », précise-t-il. L’affaire devenait florissante. Jusqu’à ce matin de décembre 2021.

Mathias Picasse : « J’ai ouvert une, puis deux, puis trois ruches… Elles étaient toutes mortes. » © NnoMan Cadoret/Reporterre

« Je n’étais pas venu depuis deux mois, car je laisse les ruches tranquilles à l’approche de l’hiver, explique le trentenaire. J’y suis allé pour un traitement anti-varroa. J’ai ouvert une, puis deux, puis trois ruches… Elles étaient toutes mortes. » Sur ses trois ruchers, répartis dans un rayon de 1 kilomètre, les abeilles gisaient langue sortie, certaines en état de décomposition avancé ; aucune trace en revanche du redoutable acarien, le varroa. « Pour moi, cela signifiait deux choses : elles avaient été empoisonnées, et cela s’était produit depuis plusieurs semaines déjà. »

167 de ses 170 colonies ont été décimées. © NnoMan Cadoret/Reporterre

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Auteur: Lorène Lavocat (Reporterre) Reporterre