« L’information » circule dans de nombreux médias depuis deux jours : selon un sondage, 58% des Français soutiendraient la tribune des militaires à la retraite réclamant l’action de l’Etat contre le délitement du pays et menaçant d’une intervention de l’armée si le « laxisme » demeure. Retour sur la construction d’une information sondagière bidon, des angles morts méthodologiques de sa production en institut à sa reprise brouillonne par des journalistes.
Le 21 avril, le magazine d’extrême-droite Valeurs Actuelles publiait une tribune signée par une vingtaine d’officiers à la retraite, intitulée « Pour un retour de l’honneur de nos gouvernants ». Ce texte émet un certain nombre d’opinions bien connues des amateurs de chaînes d’information en continu, comme l’idée d’un « certain antiracisme, [qui] s’affiche dans un seul but : créer sur notre sol un mal-être, voire une haine entre les communautés« , ou encore une dénonciation de « l’islamisme et les hordes de banlieue, [qui] entraînent le détachement de multiples parcelles de la nation pour les transformer en territoires soumis à des dogmes contraires à notre constitution ». Bref, d’un « délitement » du pays.
Plus original et inquiétant, ces militaires déclarent : « Si rien n’est entrepris, le laxisme continuera à se répandre inexorablement dans la société, provoquant au final une explosion et l’intervention de nos camarades d’active dans une mission périlleuse de protection de nos valeurs civilisationnelles et de sauvegarde de nos compatriotes sur le territoire national. » Il était déjà inédit que des militaires s’expriment dans le débat public, mais plus encore qu’ils menacent explicitement la classe politique d’une intervention militaire pour protéger les « valeurs civilisationnelles ».
Les réactions ont été relativement molles dans la classe politique. Excepté à gauche (la France insoumise ou encore Lutte ouvrière ayant vivement dénoncé ce texte), l’emballement politico-médiatique face à cette menace de putsch, aussitôt soutenue par Marine Le Pen, a fait nettement moins couler d’encre que n’importe quelle déclaration « indigéniste » d’une militante de l’UNEF. Il a fallu attendre le 28 avril, 5 jours plus tard, pour que le chef d’Etat major des armées s’exprime dans le Parisien pour condamner la prise de positions des gradés et appeler à des sanctions.