« A 15 ans, j'ai dit à plein de monde que mon beau-père m'avait violée. Personne ne m'a crue »

Plutôt enclins à parler des viols et des agressions sexuelles qu’ils subissent, les enfants sont trop rarement pris au sérieux par les adultes. Beaucoup restent convaincus que les enfants sont des menteurs.

« Quand je me suis enfuie de chez ma mère, à 15 ans, j’ai dit à plein de monde que mon beau-père m’avait violée pendant sept ans. Personne ne m’a pris par la main pour aller porter plainte. Mon père ne m’a même pas crue », rapporte Céline. Aujourd’hui âgée d’une cinquantaine d’années, elle ne peut plus porter plainte, à cause de la prescription. « C’est trop tard, hélas. Si seulement quelqu’un m’avait entendue quand j’avais 15 ans. » Le problème, ce n’est pas tant le silence des enfants que le discrédit que les adultes jettent trop souvent sur leur parole. « L’amnésie traumatique, dont on parle beaucoup, est loin de concerner la majorité des victimes, rappelle l’historienne Fabienne Giuliani, spécialiste de l’inceste. En revanche, qu’est ce qu’on fait pour ceux qui sont victimes, qui parlent, et que l’on n’entend pas ? »

Des enfants menteurs ?

« On n’a tellement pas envie que cela soit arrivé que l’on refuse de voir les violences sexuelles sur les enfants, avance Emmanuelle Piet, médecin et présidente du Collectif féministe contre le viol (CFCV). Dans la famille, on ne veut pas croire que tonton Gégé, qui est si gentil, puisse faire cela. C’est inconcevable, et donc on préfère dire que les enfants mentent. C’est particulièrement difficile pour les tout petits enfants, que l’on ne croit jamais. » Fabienne Giuliani approuve : « En dessous de 6 ans, les juges ne les reçoivent même pas, car ils estiment qu’ils ne sont pas capables d’exprimer ce qu’ils ont vécu. Il y a un problème de formation du côté des professionnels de la justice, mais aussi de représentation de ce que sont les enfants. »

« En France, il y a des théories qui ont la vie dure, ajoute l’historienne. On pense encore que les enfants sont des menteurs, et qu’ils peuvent être pervertis par leur mère. » Elle cite trois thèses de médecine, parues à la fin du 19ème siècle, et toutes consacrées aux mensonges des enfants : « Les enfants menteurs », soutenue par Claude-Étienne Bourdin (1883) ; la deuxième, d’Auguste Motet, porte sur les faux témoignages des enfants devant la justice, et une troisième soutenue en 1897. Dès le début du 20ème siècle, ces théories sont reprises dans les tribunaux.

Face aux accusations de violences par leur enfant,…

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Auteur: Nolwenn Weiler