À Bordeaux, pipi et caca se recyclent à vélo

Bordeaux (Gironde), reportage

Ambre Diazabakana roule vite, très vite. Elle est pressée. Casque sur la tête, gilet jaune sur le dos, elle dévale les rues ensoleillées de Bordeaux sur son triporteur électrique. Il est 18 h, sa tournée commence. En l’espace d’une soirée, la pétillante trentenaire doit sillonner la capitale du vin à la recherche d’une ressource surprenante : des excreta humains. 

Premier arrêt dans un immeuble cossu du centre-ville. Le soleil encore tiède darde ses rayons sur les pierres blanches. Bidons en plastique sous le bras, Ambre caracole dans les escaliers. « Ça fait les bras et les jambes ! » plaisante la jeune femme à la bonne humeur communicative. Magalie l’attend sur le pas de sa porte. À 45 ans, cette adepte de la permaculture fait partie des 89 « coproducteurs » de la Fumainerie (du terme « fumain », pour « fumier humain »). Cette association a lancé en 2020 le premier réseau de collecte et de valorisation des excreta humains en ville. L’idée : permettre à un public urbain d’utiliser des toilettes sèches, et réduire ainsi les nuisances environnementales générées par notre système actuel de gestion des urines et fèces. 

Ambre Diazabakana a deux heures chaque soir pour collecter les excrétas de 5 à 10 foyers. © Hortense Chauvin/Reporterre

Les deux femmes se saluent joyeusement. Magalie tend à Ambre ses contenants usagés, et en récupère trois propres. La collecte a lieu une fois par semaine, à des jours différents en fonction des quartiers. Pour Magalie et le reste des coproducteurs vivant dans le centre-ville, c’est le lundi. « J’ai fait partie des premiers foyers à tenter l’aventure, raconte l’élégante quarantenaire. Pour moi, ça a du sens d’arrêter de polluer les eaux. » Une fois les bidons collectés et chargés dans son vélo, Ambre repart aussi sec. Cinq autres foyers l’attendent. 

La démarche peut prêter à sourire. Le sujet étant tabou, on se surprend à être un peu gêné en évoquant les tenants et aboutissants de ce projet. Les conséquences environnementales de notre modèle sont pourtant loin d’être anecdotiques. À la fin du dix-neuvième siècle, la collecte et la valorisation agricole des excreta humains étaient la règle, explique Fabien Esculier, chercheur au Laboratoire eau environnement systèmes urbains (Leesu) à l’École des Ponts ParisTech. Ces matières (en particulier l’urine) sont riches en nutriments nécessaires à la croissance des plantes. Tout a changé au début du vingtième siècle….

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Auteur: Hortense Chauvin Reporterre