À Calais, les deux visages de l'aide humanitaire : l'un agréé par l'Etat, l'autre entravé par les forces de l'ordre

Sur une table, une rangée de chaussures usées, mais propres, côtoie des écharpes et de gants. Derrière, une étagère de couvertures parfaitement pliées. Dans un coin, des tentes s’entassent dans des caddies. Une feuille maladroitement scotchée vient délivrer un dernier message : « Traversée maritime = danger. La température de l’eau est très froide. Entre 6 et 9 degrés/espérance de survie : environ 30mn. »

Ce lieu, appelé « La Ressourcerie », a été inauguré le 13 janvier par la sous-préfète de Calais, Véronique Deprez-Boudier. Les exilés peuvent venir y récupérer leurs effets personnels et leurs tentes, régulièrement confisquées par la police, quand elles ne sont pas détruites, lors des évacuations des campements autour de Calais. Ces évacuations sont de plus en plus fréquentes, laissant à chaque fois les exilés encore plus démunis. Pour plusieurs associations, ce lieu de La Ressourcerie ne serait en fin de compte qu’« une tentative légitimation du vol systématique des affaires des personnes exilées », dénonce Human Rights Observers (un réseau d’observateurs soutenu par l’association calaisienne L’Auberge des migrants). Au contraire, du côté des autorités, la sous-préfète défend « un système qui répond à un vrai besoin ». « C’est important que chaque personne puisse récupérer ses affaires, ses photos, ses biens personnels », a t-elle dit lors de l’inauguration.

« La police est revenue. Nous n’avons plus de tentes »

Vue générale d’une partie du campement d’Old Lidl, aux environs de Calais.

©Teresa Suarez Zapater

La nuit précédente, dans la camionnette de maraude de l’association Utopia 56, les discussions sont interrompues par la sonnerie du téléphone d’urgence. Une voix jeune, à l’autre bout du fil : « La police est revenue. Nous n’avons plus de tentes. » Une demi-heure plus tard, les deux maraudeuses retrouvent le garçon qui les a appelées. Avec un ami, il patiente sur le parking désert d’un Auchan aux néons encore allumés. Les bénévoles les connaissent bien : ces deux garçons sont mineurs. Et ils ne sont pas nouveaux à Calais. L’association n’a pas assez de tentes pour leur en donner. Le stock s’épuise vite avec la confiscation du matériel par les forces de l’ordre. « On ne peut donner une tente qu’aux nouveaux arrivants », souffle Pauline Joyau, coordinatrice de l’association. Les deux garçons repartent dans le froid avec seulement deux couvertures. Avant de filer, l’un d’eux,…

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Auteur: Maïa Courtois