À Dijon, l'« espionnage d'État » cible des militants politiques

« Nous sommes sous le choc, mais pas surpris. » À Dijon, les habitants du jardin des Lentillères et de l’espace autogéré des Tanneries — deux lieux militants emblématiques de la ville — ont fait une découverte pour le moins déconcertante. En octobre dernier, ils ont trouvé deux caméras camouflées dans des boîtiers électriques, perchés à 7 mètres de hauteur juste devant chacun des deux portails.

Ces caméras filmaient, en continu, l’entrée des lieux, surveillaient massivement les allées et venues et contrôlaient les plaques d’immatriculation. Une des caméras donnait même directement sur la fenêtre d’une chambre. Des dispositifs assez sophistiqués : ils pouvaient être activés à distance pour allumer et faire pivoter les caméras. Une antenne permettait aussi de transmettre directement les vidéos et les informations récoltées. Aujourd’hui, elles ont été enlevées.

Les collectifs d’habitants dénoncent « une intrusion totale dans [leur] intimité », « un espionnage d’État contre des opposants politiques et des lieux de contre-culture ». Pour eux, les propriétaires des caméras ne font aucun doute. « Qui, à part la police, a les compétences matérielles et l’intérêt de le faire ? s’interroge Jeremy. Il faut une nacelle et toute une organisation pour installer ces caméras. »

« Qui, à part la police, a les compétences matérielles et l’intérêt de le faire ? »

Contactées par Reporterre, ni la préfecture ni la gendarmerie nationale n’ont voulu confirmer l’intuition des habitants. D’après ces derniers, les caméras auraient été posées dès 2019. Ils l’ont compris en épluchant leurs albums photos privés. Sur certaines d’entre elles, en arrière-plan, derrière les sourires, les fêtes et les banquets, se trouvaient ces petits boîtiers blancs accrochés à un poteau en béton. En utilisant les archives de Google Street View, ils ont pu constater que la première pose des caméras remontait également à 2019.

« Les boîtiers faisaient partie du décor et paraissaient inoffensifs. Personne ne les suspectait, mais ils épiaient nos vies et scrutaient nos moindres gestes. Au quotidien et pendant des années », réalise Jeff.

« Nos lieux de vie servent de base arrière au mouvement social »

En trois ans, ces caméras ont pu, en effet, accumuler une quantité gigantesque de données, identifier des milliers de personnes et surveiller des dizaines d’événements, de rencontres et de concerts. « Nos lieux de vie sont aussi des espaces d’organisation, explique Nora, une autre habitante des Tanneries. Ils brassent énormément de monde et servent de base arrière pour le mouvement social, l’accueil des exilés, le soutien aux grèves ou…

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Auteur: Gaspard d’Allens Reporterre