À fin d'inventer nos tourments

Et s’il cessait de souffler dans son instrument ? Et s’il cessait tout à coup de faire sonner la vie à travers ce cuivre ? Et s’il cessait tout simplement d’être là où il est, prêt à nous abandonner, à se risquer dans l’ailleurs d’un monde où nous ne serions de toute manière pas accepté·e·s ? Dans un monde où nous n’aurons qu’à nous complaire dans un silence en-deçà du langage, désert de tout sentiment vibratile, figé·e·s par le blanc vide de nos yeux ? Que se passerait-il s’il nous lâchait tout à coup dans un monde sous cellophane, embourbé d’aluminium et englouti par d’innombrables boîtes Tupperware ?

[Illustrations : Daniela Castrillón]

S’il avait choisi d’entrer dans la vie en noir et blanc ? S’il avait pris la décision subite de disparaître dans les interstices de l’ennui ? Sans musique ni rien. Sans langage encore moins. Juste le vide tout nu. Un truc pas drôle. Chiant. Terriblement Homo Sapiens. Qu’aurions-nous fait si l’Arbre-Muse avait décidé de faire la grève éternelle ? D’abriter ses passions à l’ombre du pays des songes invisibles ? Aurions-nous survécu ? A voir. Pas sûr.

La lumière est maintenant basse, cette lumière qui sort de la Terre et qui fait voir le monde sous halogène de poussière. Depuis ma fenêtre, je regarde l’Arbre-Muse vêtu d’un chapeau aux pailles vertes, d’une veste ample d’écorce et d’un jean en nectar de sève. Depuis la rue, l’Arbre-Muse continue de faire sonner une couleur aux teints pastels à travers la vitre ouverte au monde de cet appartement. Non, l’Arbre-Muse est encore là : mais pour combien de temps ? L’Arbre fait résonner une éclipse de ciel par son instrument divin : cette chose que l’on nomme vibration et qui respire un monde avide de tout, une vibration parfois maudite lorsque les jours sont pluvieux, que la montagne pleure. Une vibration qui, autrement, malgré tout, inspire quelque chose comme un supplément d’âme, une subtile féerique, un enchantement magnifique. Une secousse aux oscillations vitales. Un truc magique.

Maintenant l’Arbre-Muse est parti, sa magie avec. Derrière le…

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Auteur: lundimatin