À la recherche des classes moyennes : une chasse aux fantômes ?

La « classe moyenne » fait partie des notions les plus utilisées et les plus floues dans les discours politiques et sociaux. À l’image d’une moyenne mathématique, « moyen » pourrait indiquer que cette « classe » représente ce qui est considéré comme normal.

On peut, bien sûr, statistiquement construire une tranche de revenus moyens autour du salaire moyen (en France, 2 340 euros net par mois en 2022), sans rendre compte des multiples différences, par exemple entre hommes et femmes. La « classe moyenne » ne se réduit cependant pas à une tranche de revenus. Bien plus importante que ces aspects financiers est l’identification répandue avec la « classe moyenne ».

Environ la moitié des Français se considère comme membres de la classe moyenne, comme l’enquête menée par Jérôme Fourquet et son équipe, le montrent.

La masse que l’on appelle et qui s’appelle elle-même la « classe moyenne » s’est constituée grâce à sa mobilisation pour le projet du capitalisme néolibéral, c’est-à-dire pour le bien-être et la reconnaissance par le consumérisme, la réussite professionnelle, la concurrence et la compétitivité, etc. qui, de ce fait, est devenu un véritable « capitalisme populaire ». Margaret Thatcher, premier ministre britannique et libérale convaincue l’a résumé ainsi :

« Le capitalisme populaire n’est rien d’autre qu’une croisade destinée à permettre au plus grand nombre de participer de plein droit à la vie économique de la nation. »

Une vieille idée

L’idée d’une société capitaliste « nivelée au milieu » est ancienne. Elle est vivement discutée dans les sciences sociales aux États-Unis depuis les années 1940. Le politologue américain James Burnham a particulièrement influencé ce débat et ses reprises en Europe.

Néanmoins, c’est surtout en Allemagne et sous la plume du sociologue allemand Helmut Schelsky que la conception de la « Nivellierten Mittelstandsgesellschaft », la société nivelée de la classe moyenne, a eu une énorme influence scientifique et politique.

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Schelsky (qui avait, par ailleurs un passé nazi) appuie son analyse non seulement sur l’atomisation du mouvement ouvrier par le nazisme mais également sur le fait que sous le nazisme, la bourgeoisie a laissé les décisions politiques à l’appareil de l’État nazi. Ce développement s’inscrit, selon lui, dans une tendance générale vers des « sociétés industrielles bureaucratiques », comme Burnham l’avait déjà proclamé. La mobilité ascendante et descendante que connaissent désormais les sociétés, par exemple grâce au système scolaire et aux carrières professionnelles, a pour résultat, entre autres, « le développement du même comportement social et du même statut…

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Auteur: Jan Spurk, Professeur de sociologie, Université Paris Cité