À la recherche d’une rivière disparue

Les ruisseaux naissent de l’accumulation du ruissellement des eaux de pluie, puis grandissent en rivières qui se réunissent pour former des fleuves qui rejoignent les mers et les océans. Mais tous les cours d’eau ne restent pas à la surface : certains rencontrent des fractures dans le sol et s’y infiltrent. En pays calcaire, ces infiltrations creusent lentement la roche par action chimique et mécanique jusqu’à former des galeries souterraines qui forment le nouveau lit souterrain des rivières : c’est le « karst », composé de grottes et gouffres qu’explorent les spéléologues.

L’ensemble de ces aquifères souterrains représente 99 % des réserves d’eau douce liquide sur Terre, d’où l’importance de comprendre ces ressources pour pouvoir les gérer et les protéger. Dans le contexte de réchauffement climatique et de sécheresse croissants, ces réserves en eau douce suscitent de plus en plus d’intérêt pour les collectivités locales. Les pollutions générées par les activités anthropiques de surface, par exemple l’industrie ou l’agriculture, peuvent s’infiltrer dans les eaux souterraines et altérer la qualité des eaux de consommation.

une résurgence d’eau douce

Le trou des Glanes, une des « deuilles » de l’Aroffe.
Olivier Gradot, Fourni par l’auteur

Les réseaux karstiques sont minutieusement décrits par les spéléologues pendant leurs explorations (dimensions et orientations des galeries, volumes des salles, dénivelés…) qui synthétisent leurs observations sous forme de coupes et de plans. Parmi les objets géologiques recensés, les fractures constituent des points stratégiques d’accès aux eaux souterraines qui intéressent tout particulièrement les hydrogéologues pour les questions d’alimentation en eau des collectivités. C’est par ces zones de vides que les eaux de surface s’infiltrent dans les sols par gravité, mais aussi qu’elles résurgent par temps très pluvieux, quand le réseau de cavités souterraines est rempli d’eau. Sous terre, certains conduits sont totalement ennoyés et infranchissables.

Il faut trouver d’autres moyens pour comprendre la circulation des eaux souterraines. Le concept consiste alors à colorer l’eau avec de la fluorescéine sur le point amont le plus accessible de la rivière, et à mesurer la concentration de cette fluorescéine aux différents points de sortie (exutoire ou résurgence) connus ou supposés. C’est, par exemple, un incendie aux usines Pernod de Pontarlier en août 1901 qui a permis d’établir la connexion souterraine entre le Doubs et la Loue par l’intermédiaire d’un relargage d’absinthe en grandes quantités dans la rivière.

En Meurthe-et-Moselle, Meuse et Vosges, l’Aroffe est une rivière qui joue à cache-cache au gré des saisons et de la météo entre un cours souterrain pérenne et un cours aérien temporaire et continue d’intriguer ceux qui la côtoient. En effet, le cours souterrain d’un potentiel d’au moins 30 kilomètres n’est actuellement exploré que sur 2,5 kilomètres. Spéléologues et géologues ont récemment collaboré pour affiner les études topographiques et colorimétriques déjà entreprises sur une des résurgences de l’Aroffe, « le Fond de la Souche », en testant une nouvelle technique basée sur la mesure des propriétés électriques des sous-sols.

Tracé aérien et souterrain supposé de l’Aroffe.
Elise Chenot, Fourni par l’auteur

L’Aroffe prend sa source à Beuvezin et se perd en souterrain à travers une succession de fractures à Gémonville. Les eaux de l’Aroffe réapparaissent en surface à la source de la Rochotte à Pierre-la-Treiche et se jettent dans la Moselle. Par temps extrêmement pluvieux, la trentaine de kilomètres de réseau souterrain se remplit jusqu’à un débordement qui se manifeste en surface par des résurgences, appelées localement des « deuilles », qui jouent le rôle de trop-plein. L’Aroffe s’écoule alors en surface et va se jeter dans la Meuse. L’objectif de l’étude est de tenter de déterminer le cours souterrain précis dans un but de recherche.

Pourquoi nous intéresser à la résurgence du Fond de la Souche ?

À la suite de travaux menés en 1971 par les spéléologues, une fracture de 25 mètres de profondeur est ouverte au

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Auteur: Elise Chenot, Enseignant-chercheur en géologie, UniLaSalle