Gaëlle est une lectrice de Frustration Magazine. Suite à la parution de mon article “Exploitation, infantilisation, maltraitance: de qui se fout la charité?” dans le numéro papier 2025, elle m’a contactée. Ce que je décris sur les postures parfois infantilisantes de certaines structures caritatives lui a particulièrement parlé, cette réalité étant monnaie courante sur son île. Au fil d’échanges, elle me parle de ses grands-parents, du rapport au créole et au français, d’écologie qui ne s’appelle pas comme ça, de gentrification. J’avais envie que tout ce qu’elle me raconte soit partagé, donc je lui ai proposé un entretien, elle a accepté, et je la remercie. Entretien conçu et réalisé par Juliette Collet.
Identité réunionnaise, famille et dyslexie
Je m’appelle Gaëlle, j’ai 40 ans. Je suis mère de deux ados et je viens de la Réunion. J’ai appris à 21 ans que j’avais une dyslexie visuo-attentionnelle, ça a un peu court-circuité mon parcours, ça m’a valu de rater le bac L deux fois. A 17 ans, j’ai travaillé en parallèle de mes études comme animatrice, après l’obtention du BAFA. Ensuite, je suis partie dans l’Hexagone où j’ai passé un diplôme pour être hôtesse de l’air, mais avant de pouvoir intégrer les compagnies, il fallait manger, j’ai dû travailler. Puis, j’ai eu ma fille à Lille, j’ai cumulé les petits boulots, et par la suite je suis revenue à la Réunion, enceinte de mon fils, et je me suis séparée du père des enfants peu après, donc je suis mère célibataire encore aujourd’hui. Ça aussi, ça a beaucoup joué dans mes choix de carrière.
Quand je suis arrivée dans l’Hexagone, j’ai compris toutes les difficultés qu’on pouvait avoir en tant que Réunionnais, j’ai fait pas mal d’introspection. Dans ma famille, il y a du métissage, notamment “social”: d’un côté mon père, qui a connu la misère, qui a été élevé par sa mère, une femme…
Auteur: Juliette Collet