À Lagos, l'« agbero » devenu parrain de la vie politique

Lagos, avril 2021 cc0 Ayoola Salako

Au début des années 2000, on traversait toujours le pont d’Oshodi avec un peu de nervosité, que l’on soit Lagotien ou étranger en route vers l’aéroport international de la capitale économique du Nigeria, qui compte 16 millions d’habitants. Le pont enjambait l’une des plus importantes gares routières à ciel ouvert du pays, d’où partaient, parmi les étals de marchands, le racolage des rabatteurs, et la fumée des moteurs, prés de 5000 Molue, les emblématiques bus jaunes de Lagos, qui transportent quelque 200 000 passagers par jour.

Avec plus d’1 million de passants transitant quotidiennement par le quartier, il n’était pas rare que cette fiévreuse activité ne déborde jusqu’au pont, figeant sa circulation dans un bouchon où se déclinait alors l’abécédaire de la survie caractéristique d’Eko (Lagos en langue yoruba) : jeunes gens vendant ventilateurs et téléphones à clapets, journaux et sachets d’eau potable et parfois, aussi, de jeunes désœuvrés (« area boys ») guettant les automobilistes infortunés ayant eu le malheur de laisser leurs affaires à portée de regard. À cela se rajoutaient les guerres de quartiers qui, à Oshodi, pouvaient aussi déborder sur le pont. Le Nigeria venait de connaître en 1999 ses premières élections démocratiques libres depuis le putsch militaire de 1993. Et l’État de Lagos, gouverné par M. Bola Tinubu, qui vient d’être élu à la présidence de la fédération nigériane, était alors une cocotte minute dont le couvercle des revendications ethno-sociales venait d’exploser, en premier lieu celles de sa population yoruba.

À Oshodi, parmi les « area boys » et les « vigilante yoruba » de l’Oodua People’s Congress (OPC) tenant le quartier, le gang le plus craint de l’époque était celui des 36 Kiniun (les 36 Lions). Le groupe était mené par un ancien agbero (rabatteur de passagers de bus en yoruba), M. Musiliu Akinsanya, alias Mc Oluomo, dont la notoriété commençait à dépasser le quartier pour s’étendre sur l’ensemble de la partie continentale et insulaire de la mégapole lagunaire : « À l’époque, en raison des affrontements fréquents entre gangs à Oshodi, souligne un contact bien informé de Lagos, des personnalités influentes de l’État ont demandé à MC Oluomo de ramener la paix, au risque de perdre leur soutien. Il a donc appelé les autres dirigeants de gangs à une réunion où ils ont convenu d’avoir un groupe unique, nommé Oshodi One….

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Auteur: Jean-Christophe Servant