À l'approche de l'hiver, le besoin de se blottir

L’équinoxe, ce moment discret où le jour a une durée égale à la nuit, a eu lieu le 22 septembre 2021. À 21 h 21, comme un poème en système binaire. Il fait désormais nuit noire au réveil. Et quand le jour se lève, il découvre des champs blanchis de gel. Les dernières figues ont été cuites dans du miel et mises en pot, les oignons et les pommes de terre remisées. C’est l’automne, déjà presque l’hiver.

Depuis deux ans, cette saison est pour moi synonyme de foyer, au sens littéral comme figuré ; de ralentissement et de sédentarisation, de poêle à alimenter en bûches et d’hibernation consacrée à l’écriture. Au petit matin, lourdement vêtue, je me glisse dans une pièce voûtée, faiblement éclairée, comme une animale dans son terrier. J’aime cette idée de refuge et de tanière. Cela crée une ambiance qui me sied. Ce n’est sans doute pas fortuit si une des images qui m’accompagne le plus intimement depuis la lecture de L’homme qui savait la langue des serpents d’Andrus Kivirähk est celle de Teemet hivernant avec les serpents, léthargiques et somnolents, ne s’éveillant que pour aller lécher une pierre à sel de temps en temps.

Mais ce matin, une lecture saisissante par Alain Parrau du récit Le terrier, de Franz Kafka, m’a rappelé comme ma retraite de l’an dernier avait aussi donné vie, pour un roman à paraître, à de « petites bêtes » glaçantes, à des éclats de troubles psychotiques et au vertige anxieux d’un « brouillage de la distinction entre veille et sommeil, entre rêve et réalité ». Ce texte d’Alain Parrau, intitulé Vivre sous la menace, expose brillamment à quel point le terrier, au-delà de son évidence de refuge salutaire, relève aussi d’un symptôme de l’effroi en révélant les spectres, fictifs ou réels, qui nous poursuivent.

À la lecture de cette recension — je n’ai pas encore lu Le terrier, mais elle m’a convaincue de le faire — on ne peut tout d’abord s’empêcher de frémir à l’écho qu’elle provoque fatalement, celui d’un clan acculé pendant des heures avec ses petits au fond du terrier par les aboiements furieux des chiens alors que leur abri est fouillé, creusé, déterré jusqu’à les en extraire avec des pinces puis les tuer. Mais l’analogie, puissante, va au-delà. Partant du monologue d’un blaireau, taupe ou renard englué dans l’inquiétude obsédante de ses tunnels et prédateurs, le texte nous entraîne inexorablement vers les camps et les tranchées, la terreur des régimes de méfiance et de…

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Auteur: Corinne Morel Darleux Reporterre