« À l'Assemblée, les députés novices sont de la chair à canon »

Un boulanger, une femme de chambre, des activistes écolos, des militants des quartiers populaires… plusieurs néophytes de la politique sont en campagne pour entrer à l’Assemblée nationale à l’issue des élections législatives des 12 et 19 juin. Ces novices, le sociologue Étienne Ollion, chercheur au CNRS et professeur à l’École polytechnique, les connaît bien.

Dans Les Candidats. Novices et professionnels en politique (PUF), il a enquêté en immersion à l’Assemblée nationale, en 2017, auprès de néodéputés. « Emmanuel Macron venait de remporter la présidentielle et faisait entrer à l’Assemblée nationale plus d’une centaine de citoyens qui n’avaient pas d’expérience de la politique, des profils devenus de plus en plus rares au cours des dernières décennies », explique Étienne Ollion à Reporterre. Le sociologue les a suivis « tôt le matin et tard la nuit, dans l’hémicycle ou dans leur circonscription », pour « observer ce que l’expérience fait à la politique ». Entretien.

Reporterre — À l’Assemblée nationale, est-il indispensable d’être représentés par des élus qui nous ressemblent ?

Étienne Ollion — Cette question est à la fois passionnante et lancinante. Depuis ses débuts à la fin du XVIIIe siècle, la démocratie représentative s’est construite sur l’idée que nous n’avons pas besoin d’« être » pour représenter : pas besoin d’être une femme pour défendre les intérêts des femmes, d’être handicapé pour représenter les handicapés, d’être pauvre pour représenter et s’occuper des pauvres. Pourtant, dès la révolution étasunienne [1765 à 1783], cette idée a nourri des débats animés entre les pères fondateurs des États-Unis.

Faut-il « être » pour représenter ? Même du point de vue des sciences sociales, la réponse n’est pas évidente. Mais, on sait que lorsqu’une assemblée n’a aucun représentant dans un groupe donné, elle oublie très souvent les intérêts de celui-ci. Il n’y a pas forcément besoin d’être issu personnellement d’un groupe pour le défendre, mais c’est mieux de pouvoir compter sur des personnes qui vivent, dans leur chair, la même réalité : l’expérience de la pauvreté, des dominations, les conséquences du changement climatique. C’est essentiel ne serait-ce que pour enrichir le débat, sensibiliser les autres élus à des problèmes dont ils n’ont pas conscience, puisqu’ils ne les vivent pas.

Avoir une Assemblée plus diverse est aussi important pour que les citoyens se…

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Auteur: Alexandre-Reza Kokabi Reporterre