À l'écoute des paysans, sentinelles du changement climatique

C’est un ouvrage modeste — 153 pages — qui fait germer une infinité de questionnements. Les paysans et le chaos climatique (Impact éditions, 2022) se déguste le temps d’un voyage en train, entre deux paysages façonnés en partie par les femmes et les hommes dont le travail principal consiste à nourrir les autres. Le réalisateur, journaliste et auteur Gilles Luneau est un spécialiste des questions agricoles depuis des décennies. Pour son ouvrage, il a parcouru la France du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest, s’est rendu dans des exploitations bios, intensives, gigantesques ou très modestes. Il a jeté son dévolu sur de la vigne, des grandes cultures, du maraîchage, de l’élevage… sans chercher à privilégier une chapelle plutôt qu’une autre. Il a tout simplement prêté l’oreille à ces paysannes et paysans dont le support principal est la terre. En gros, il ouvre les guillemets et nous entrons dans la réalité d’un métier sentinelle des changements en cours.

Nicolas Toutain s’occupe du potager du Château de la Bourdaisière, celui du « Prince jardinier », Louis-Albert de Broglie à Montlouis-sur-Loire (Indre-et-Loire). Soit un verger de 5 000 m2, un potager de 9 000 m2, une collection de tomates, de pivoines, de dahlias… Il lui est arrivé de passer de +26 °C à -5 °C en quelques jours, tout se détraque, et il « mesure la remise en cause de tout ce [qu’il] pensait de la météo et du climat en Touraine ». Cécile Muret est maraîchère dans le Jura sur neuf hectares et 3 000 m2 de serres. « Ce qui nous arrive avec le climat, c’est le premier sujet de conversation. » Elle peut s’adapter, assure-t-elle, contrairement aux cultures pérennes que sont les vignes ou les arbres fruitiers « qui voient leur arrêt de mort arriver ». Mais le monde administratif est complexe. « Nous ne sommes pas assurés sur le risque climatique », dit-elle. Elle a arrêté les multiples variétés de choux pour ne garder que le frisé ; elle bataille contre la punaise Tuta absoluta qui s’attaque aux fleurs de ses aubergines, courgettes, tomates et autres poivrons…

Même avec les ventilateurs, la chaleur est intenable pour les volailles

À Sirod, dans le Jura, Laurent Baudoin scrute le moindre changement de comportement de ses vaches. Les étés chauds, les voilà « fatiguées, molles… » Elles lambinent pour aller au champ. Alors il reprend les usages populaires des anciens : les sort la nuit et après la traite du matin, les laissent à l’intérieur avec du foin. Quant à ses…

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Auteur: Laure Noualhat Reporterre