« A l'été 1940, la résistance, on ne sait pas comment la pratiquer, même pas comment la nommer »

 « Un peu de conscience s’éveillait çà et là, une minuscule et vacillante protestation qui ne savait pas quelle forme elle pourrait bien prendre. On se cherchait à tâtons, dans l’obscurité. » L’homme qui s’exprime ainsi  s’appelle Jean Cassou. Romancier, poète, critique d’art, il fait partie des quelques rares personnalités françaises à avoir choisi la voie de la résistance dès l’été 1940, quand dans le vent brun de l’histoire tout était à bâtir. Pas d’expérience concrète, pas de véritable structure clandestine, pas d’aide extérieure, simplement l’expression d’un non viscéral proclamé par quelques hommes et femmes regroupés au sein d’un petit cercle, le réseau dit du musée de l’Homme (en référence à ce lieu consacré à l’ethnographie où travaillaient celles et ceux qui ont posé les premiers jalons du réseau).

Des vivants

Raphaël Meltz et Louise Moaty (recherche historique et scénario), Simon Roussin (illustration), 259 pages, 29 €, paru en 2021 aux éditions 2024.

D’abord centré sur Paris avant de lancer des ramifications là où d’autres non s’élevaient, comptant dès octobre 1940 une centaine de membres plus ou moins impliqués, le réseau plante sur le vif les premières graines de sédition : propagande clandestine (notamment via le journal Résistance), évasion de prisonniers, renseignement à destination des Anglais… Mais ces vivants jouent gros : leur vie. Dès janvier 1941 et suite à une trahison, les premières arrestations frappent le groupe, vite décimé. Un procès tenu en janvier 1942 viendra sceller le sort de ses principaux organisateurs et organisatrices : dix peines capitales (les trois femmes condamnées seront finalement déportées). Et le 23 février 1942, à 17 heures, sept hommes sont fusillés au Mont-Valérien : Jules Andrieu, Georges Ithier, Anatole Lewitsky, Léon-Maurice Nordmann, René Sénéchal, Boris Vildé et Pierre Walter.

C’est sur une terrible évocation de cette macabre scène que se clôt Des vivants (éditions 2024, octobre 2021), magistrale mise en scène graphique et orale d’une histoire trop peu connue. Au scénario, les auteurs Raphaël Meltz et Louise Moaty, qui ont écumé les bibliothèques et les archives pour réaliser ce tour de force : tous les dialogues structurant le long récit correspondent à des paroles ou à des écrits de feu les acteurs de cette histoire. Quant au dessin, signé Simon Roussin, il offre une atmosphère onirique au déploiement des voix, peignant un Paris aux…

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Auteur: Émilien Bernard (CQFD)