À Mayotte, une nuit avec les bénévoles qui luttent contre le braconnage des tortues

Les lumières viennent de s’éteindre sur le bivouac de l’association mahoraise de protection de l’environnement Les Naturalistes. D’ici une poignée d’heures, la marée sera haute, et les tortues pourront traverser plus facilement le banc de sable, au fond duquel elles déposeront leurs œufs en cette fraîche soirée de juillet.

Sur la plage de Majicavo 4 où il s’est installé, le petit camp reprendra vie pour veiller toute la nuit sur le lent manège des animaux. Cette longue étendue déserte est l’une des plus isolées de l’aire marine protégée de Saziley. Le site de ponte le plus actif de Mayotte et de fait, l’un des plus surveillés. Chaque semaine, une vingtaine de bénévoles participent donc à des bivouacs — deux cette nuit-là. Sur l’île, une tortue marine est braconnée chaque nuit. Depuis la crise sanitaire et la suspension de nombreuses patrouilles, le phénomène s’est considérablement aggravé.

22 heures. Un hurlement retentit à l’autre bout de la plage. Un homme crie, mais à plusieurs dizaines de mètres de là ses mots, couverts par le grondement des vagues, sont indiscernables. « Vous aussi, vous avez entendu ? », interroge Zouhoura d’une voix tremblante, la tête encapuchée, tout juste sortie de sa petite tente. Autour d’elle, les sept autres bénévoles se réveillent en sursaut et font courir leurs mains sur la terre poussiéreuse, à la recherche des lampes éparpillées çà et là.

Ali manque à l’appel : à une heure où tout s’annonçait calme, le garde de surveillance des tortues employé par le conseil départemental était parti patrouiller seul un instant. Dans l’éclair blanc des faisceaux, sa large silhouette apparaît derrière un baobab. Il court depuis le rivage, se rapproche et répète, le visage déformé par la peur : « Des braconniers ! Il y a deux braconniers sur la plage ! »

Le petit groupe s’affole, puis vient dessiner un étroit cercle autour de lui. Chacun se serre contre son voisin, espérant tromper l’angoisse qui vient de s’abattre sur le camp. À bout de souffle, Ali agite les…

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