À Plogoff, voici 40 ans, la lutte antinucléaire faisait reculer l'État

Dominique Agniel est journaliste. Elle a notamment réalisé le documentaire Plogoff, mon amour, mémoire d’une lutte (2018).


À l’extrémité de la Bretagne, la pointe du Raz dresse ses rochers noirs face à l’île de Sein, « l’un des derniers promontoires du monde occidental », selon l’écrivain breton Pierre Jakez Hélias. C’est une côte déchiquetée par les vagues de l’Atlantique. Sur la lande, ajoncs et bruyères ploient sous les rafales des vents d’Ouest. Ici, la terre est pauvre, les arbres squelettiques et les humains robustes. Le paysage est d’une beauté bouleversante, impressionnante. Devant cette immensité sauvage, on se demande comment des technocrates ont pu envisager d’y édifier une centrale nucléaire. « Nous produisons la plus belle chose que puisse concevoir l’intelligence humaine, la quintessence de la technologie, et pour nos centrales, il faut les plus beaux écrins possibles », avait répondu un ingénieur d’EDF au journaliste Jean Guisnel, correspondant à l’époque du journal Libération.

Le site de Feunten Aod, à Plogoff, où devait être construite la centrale. © Dominique Agniel

C’est la stupeur le 3 décembre 1974 lorsque le petit village de Plogoff, sur lequel est situé la pointe du Raz, apprend qu’il a été choisi pour abriter une centrale nucléaire, un projet s’inscrivant dans le programme nucléaire de Pierre Messmer (Premier ministre jusqu’en mai 1974) prévoyant la construction de 400 réacteurs dans toute la France. À Paris, les technocrates misent sur une faible mobilisation de la population, jugée « naïve et crédule », convaincus que les villageois accepteront les cadeaux de l’État et d’EDF : des lotissements, des piscines, des équipements sportifs, des usines, des emplois… Des millions de francs couleront les sillons du cap Sizun. Mais surprise ! Les villageois ne veulent pas du béton, des maisons neuves et des terrains de golf… ! Ils veulent garder leur lande, leur sable, leurs rochers, leur granit, leurs ajoncs… Les promoteurs d’EDF étaient loin de penser qu’ils affronteraient une opposition radicale, obstinée, et que sept ans plus tard, EDF et l’État seraient contraints de céder devant la pression citoyenne.

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La lutte de Plogoff, un temps oubliée, est aujourd’hui considérée comme emblématique et exemplaire : d’abord l’engagement total du maire, Jean-Marie Kerloch, aux côtés de ses concitoyens. Lorsqu’il reçoit les dossiers de l’enquête publique —…

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Auteur: Reporterre