À quelles conditions peut-on parler d’activités de pêche « durables » ?

En Europe, et en France tout particulièrement, la pêche a fait l’objet ces dernières années de nombreux débats – par exemple, sur la pêche profonde, la pêche au chalut électrique, l’empreinte carbone des activités de pêche, les captures accidentelles de dauphins… Cette mise à l’agenda citoyen et politique s’est faite en lien avec une implication accrue des ONG, à l’image de Sea Sheperd, et la montée en puissance de nouveaux groupes d’opinion, comme Bloom, représentant la petite pêche et les pêcheurs de loisir.

Une revendication importante concerne la garantie pour le consommateur que les produits de pêche correspondent à des exigences environnementales, économiques et sociales.

Si la mise en place de labels tente de répondre à ces attentes, ainsi qu’au souhait de la filière d’améliorer l’acceptabilité sociale de ses activités et de ses produits, leur profusion a entraîné une confusion tant dans la filière (chez qui se certifier ?) que chez le consommateur (quel label privilégier ?). Outre ces initiatives, privées en majorité, des démarches sont également en cours au niveau national (Ecoscore) et européen (CSTEP, 2020) pour améliorer/enrichir l’affichage environnemental public sur les produits de la pêche.

De manière plus globale, c’est la question de la durabilité de ce secteur économique qui est posée. Mais comment définir, évaluer et garantir une pêche durable ? C’est ce que nous allons voir.

Une question de sécurité alimentaire

Les produits de la pêche représentent une source importante de protéines animales et de micronutriments essentiels pour l’humanité, avec un coût environnemental parmi les plus faibles, en particulier en termes de consommation d’énergie et de production de gaz à effet de serre (les coûts variant cependant selon la catégorie d’espèces de poissons ou d’invertébrés ciblés).

L’approvisionnement durable en produits de la pêche est devenu un enjeu stratégique pour la sécurité alimentaire. Les poissons représentent la plus riche source disponible en acides gras polyinsaturés à longue chaîne, qui sont indispensables à un large éventail de fonctions physiologiques essentielles pour la santé humaine.

Cependant, l’exploitation des ressources halieutiques s’accompagne d’effets délétères (surcapacité et surexploitation). Ex : effondrement de la morue de Terre-Neuve dans les années 80s

Du fait des systèmes de gestion mis en place en Atlantique Nord Est depuis les années 1970, la proportion de stocks halieutiques exploités à un niveau durable y a atteint 72 % en 2019.

Moins de navires et de marins

Au-delà de pérenniser la ressource, les systèmes de gestion des stocks et des exploitations sont indispensables au maintien des revenus et des emplois liés à la pêche.

Après une phase de développement continu des capacités de pêche, entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et jusque dans les années 1990, la mise en place de système de gestion des stocks et des exploitations a conduit à une diminution du nombre de navires et de marins en France, entraînant des bouleversements dans certaines régions littorales où la pêche revêt une importance historique et culturelle.

Bateaux de pêche

Bateaux de pêche dans le port de Le Guilvinec (Finistère), en octobre 2021.

Bien que la dépendance des communautés littorales à l’activité de pêche reste très faible en moyenne, moins de 1 % en France, l’impact des dynamiques du secteur sur les communautés est aujourd’hui un sujet d’étude nécessaire.

Une activité de pêche « durable », qu’est-ce que c’est ?

Sur la base du constat de la finitude des ressources halieutiques, les premières cibles de gestion des pêcheries ont été définies dans les années 1950 et se sont focalisées sur l’état des stocks exploités.

Des modèles mathématiques ont permis de simuler la dynamique des populations de poissons exploités et de déterminer des seuils de biomasse et de mortalité par pêche et par conséquent, les prélèvements maximums.

Ces cibles de gestion ont évolué au cours du temps ; actuellement, elles sont régies, dans l’Union européenne comme ailleurs dans le monde, par le principe du « rendement maximum durable » : c’est-à-dire la plus grande quantité de biomasse que l’on peut en moyenne…

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Auteur: Marie Savina-Rolland, Chercheure en halieutique, Ifremer