À quoi tenons-nous vraiment ?

Corinne Morel Darleux est l’autrice de Plutôt couler en beauté que flotter sans grâce (Libertalia).

Corinne Morel Darleux.


C’est un tout petit moment dans un reportage, un matin sur les ondes de France Culture. Une voix de femme qui me fait dresser l’oreille. Olga vit à Kiev, elle a fait ses études en France et s’exprime en français. Interrogée par un journaliste sur les manœuvres russes et leurs effets ressentis en Ukraine, Olga parle calmement de se tenir prête et évoque un terme dans sa langue natale qu’elle traduit par « la valise inquiète ». Elle explique : « On a tout ce qu’il faut : documents, affaires principales, dans un endroit précis, on sait où c’est s’il faut quitter l’appartement. » Sa valise est prête depuis huit ans.

Ce témoignage fait immédiatement écho à une question récurrente, dont j’imagine que tout le monde se la pose à un moment donné. S’il fallait partir précipitamment, qu’emporter ?

Depuis quelques semaines, notre grange abrite les affaires d’un couple d’amis, dont l’appartement en ville a été détruit par un incendie d’origine domestique dans l’immeuble voisin – ou plutôt par le dégât des eaux qui en a résulté. Des souvenirs personnels, des photographies et du matériel de musique, des fringues, des bouquins et des fauteuils, couverts de suie et d’eau grise, imprégnés de fumée y sont en train de sécher et de s’aérer. L’épisode nous a toutes et tous saisis. Les personnes qui vivaient là n’ont eu que quelques heures pour récupérer leurs affaires une fois l’incendie éteint. Dans les jours qui ont suivi, chacun y est allé de son anecdote, d’histoires entendues ou vécues, comme la maison réduite en cendres de ce couple drômois réveillé en pleine nuit, sorti en caleçon et nuisette avec juste un téléphone à la main pendant que les prises électriques de leur maison crachaient du feu, totalement démuni.

L’irremplaçable : la maison, tout ce qu’elle a vu et accueilli au cours des années

Cela résonne-t-il tant en moi parce que, quand j’étais enfant, ma mère conservait une corde à nœuds au cas où il faudrait fuir par la fenêtre de notre appartement parisien, ou parce que j’ai arpenté les rues désertées de la zone de Fukushima, ou encore parce que lors d’un de mes séjours au village de Jinwar en Syrie du Nord, nous avons été cernées par les incendies courant dans les champs de blé… Comme à chaque évacuation dans un pays lointain face à une menace de tsunami ou de séisme, comme à…

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Auteur: Corinne Morel Darleux Reporterre