À Toulouse, les « ultimes résistants » d'un HLM luttent contre sa démolition

Toulouse (Haute-Garonne), reportage

« On vit dans un immeuble hanté. » Dans le hall d’entrée, un homme aux sourcils sans cesse froncés autorise, ou non, l’accès aux étages. Enduit de crasse, l’un des trois ascenseurs condamnés héberge désormais la « came ». Un secret de polichinelle pour les habitants. « Il y a des blattes, des rats, des punaises de lit. L’hygiène est déplorable, sans parler des coupures d’électricité, peste Mohamed en longeant les corridors au béton brut. On pourrait porter plainte pour maltraitance, mais que faire contre l’armée d’avocats ? Je me sens rabaissé, sali. Les bailleurs sociaux sont méprisants et arrogants. »

Dans le quartier populaire du Mirail, à Toulouse, la mairie opère un vaste projet de « renouvellement urbain », soutenu par l’État. Depuis 2015, les bulldozers ont réduit en poussières quelque 2 375 logements, et 1 421 autres doivent encore suivre. Un à un, les grands ensembles HLM aux peintures écaillées disparaissent et céderont bientôt leur place aux maisons individuelles et petits collectifs. Mené au nom de la « mixité sociale », le projet pousse discrètement les plus démunis loin du centre-ville et relève de l’hérésie écologique.

« Salam aleykoum ! » lance Mohamed. Dans l’entrebâillement de la porte apparaissent Karine et Faouza, deux voisines. Enfermé dans une petite cage, un canari au plumage orangé gazouille. Quelques versets du Coran et une baleine dessinée au fusain trônent sur les murs immaculés du salon marocain. « Nous sommes les ultimes résistants, rit l’une d’elles. La petite poignée de “récalcitrants”, pour reprendre les mots du maire de quartier. » Depuis décembre 2010, et l’annonce de la démolition, les résidents du 10 cheminement André Messager ont déserté les 262 appartements qu’abritait la tour. Seuls 16 d’entre eux restent aujourd’hui habités.

« Ils laissent tout moisir jusqu’à ce qu’on craque »

« J’ai subi quatre dégâts des eaux à cause du dépérissement des étages supérieurs, se lamente Karine. Or, comme le bâtiment est voué à la destruction, l’assurance a refusé de m’indemniser. » Aux yeux des résidants, une « stratégie du pourrissement » est orchestrée par le bailleur social. Celui-ci a d’ailleurs demandé aux forces de police de briser toutes les baies vitrées des logements inoccupés, pour dissuader les squatteurs d’y poser bagages. « Imaginez la passoire énergétique géante qu’ils ont ainsi créée. D’autant que le robinet du chauffage central a lui aussi été fermé. » Contactés, la mairie et le bailleur social n’ont pas donné suite à nos relances.

Une grimace accrochée au visage, Mohamed clopine vers un…

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Auteur: Emmanuel Clévenot Reporterre