Accès à l’emploi : la double peine des femmes précaires et peu qualifiées

La récente mise à l’agenda politique d’une énième réforme des retraites a suscité des analyses sur les risques d’accroissement des inégalités de revenu entre les femmes et les hommes qu’elle comporte.

En France comme dans la plupart des autres pays européens, de tels écarts existent déjà, avant même l’âge de la retraite, en premier lieu en raison d’inégales rémunérations comme le relève l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee).

Pour les femmes en emploi les moins qualifiées, dont le diplôme est inférieur au baccalauréat, ces inégalités s’expliquent d’abord par des volumes de travail plus réduits. De fait, en 2019, le temps partiel représentait en France, selon l’enquête emploi de l’Insee, 28,4 % de l’emploi féminin chez les 15-64 ans, mais seulement 8,3 % de celui des hommes ; il est particulièrement présent dans des secteurs d’activité très féminisés tels que les services à la personne ou la grande distribution.

À cela s’ajoutent des salaires horaires peu élevés dans ces secteurs. En 2020, par exemple, 9 aides à domicile sur 10 gagnent moins que le smic mensuel net soit 1 202,92€.

Mais si les positions différenciées sur le marché du travail sont à l’origine d’inégalités importantes, l’inégal accès à ce marché ne l’est pas moins.

En France, d’après les données Eurostat pour 2019, le taux d’emploi des femmes (68,1 % chez les 20-64 ans) reste inférieur à celui des hommes (75,2 %). Et les femmes peu ou pas diplômées sont celles qui ont les taux d’emploi les moins élevés. Cette inégalité financière engendre d’autres types d’inégalités, l’emploi restant, dans notre société, le principal vecteur de reconnaissance sociale.

Que font aujourd’hui les politiques publiques pour remédier à ce problème ? Les défis, relevant à la fois des politiques de formation, de régulation du temps de travail et des formes d’emploi, sont nombreux.

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Une mise en œuvre politique à faible impact

Les politiques qui visent à favoriser l’accès au marché du travail pour les personnes qui en sont privées ont aussi un rôle à jouer. Si l’objectif d’égalité des sexes est officiellement reconnu par les institutions de ce secteur depuis le début des années 2000, la mise en œuvre concrète de ces politiques ne permet que marginalement de corriger les inégalités femmes/hommes dans l’accès à des emplois de qualité sur le marché du travail.

Dans les années 2000, dans un contexte où les pouvoirs publics européens s’inquiètent des modalités de financement de la protection sociale, la hausse du taux d’emploi des femmes est mise à l’agenda de l’Union européenne. Cet objectif gagne alors en légitimité dans les politiques d’emploi françaises : des formations sur le genre sont parfois dispensées à ses professionnel·le·s, des postes de chargé·e de mission à l’égalité sont créés dans certaines institutions du service public de l’emploi et auprès de ses partenaires, l’objectif d’égalité est visibilisé dans plusieurs documents directeurs des politiques d’emploi.

En outre, des professionnelles du secteur sensibilisées à ces questions montent quelques initiatives ciblant des demandeuses d’emploi en difficulté d’insertion.

Des marges de manœuvre existantes mais limitées

Ces initiatives s’inscrivent alors largement dans la continuité des premières démarches pour l’emploi des femmes menées par les institutions en charge des droits des femmes au sein de l’État français à partir des années 1980.

Il s’agit souvent d’orienter des chômeuses peu ou pas qualifiées vers des secteurs habituellement occupés par des hommes, où les employeurs peinent à recruter (transport ou bâtiment notamment), et où la qualité de l’emploi (avec des CDI à temps plein par exemple) est meilleure que dans les secteurs où elles s’orientent généralement (grande distribution, secrétariat, aide à domicile).

Il peut aussi s’agir de coopérer avec des professionnel·le·s de la politique familiale pour faciliter l’accès des jeunes enfants de chômeuses à un mode de garde, ou son financement. Plus rarement, on observe des actions d’un nouveau type,…

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Auteur: Gwenaëlle Perrier, maîtresse de conférence en science politique, Université Sorbonne Paris Nord