Depuis 60 ans, la grande distribution française s’est développée sur un modèle combinant une offre de produits toujours plus large à des prix toujours plus bas, accessible dans un nombre croissant de points de contact tant physiques que numériques, offrant aux Français la possibilité d’acheter en tout lieu, en tout temps et grâce à tout type de support (ATAWAD, any time, anywhere, any device).
Sur cette période, le volume de consommation annuelle d’un Français a été multiplié par près de quatre. Un modèle aujourd’hui fortement remis en question compte tenu de ses conséquences dévastatrices, tant sur le plan environnemental que social et sociétal.
De nombreuses recherches académiques ainsi que des travaux réalisés par des organismes publics comme l’Ademe documentent les transformations profondes nécessaires dans les façons de se déplacer, de se chauffer, de s’alimenter, d’acheter ou encore d’utiliser des équipements, et formulent des scénarios types impliquant de nouveaux modes de consommation.
Pour prolonger ces différentes réflexions, nous nous sommes intéressées aux transitions réellement à l’œuvre dans les pratiques de consommation actuelles des Français. Notre recherche qualitative exploratoire révèle la sédimentation d’un signal faible autour de pratiques sobres et souligne la diversité des chemins empruntés par les Français dans leurs habitudes quotidiennes pour y parvenir.
Trois profils de consommateurs émergent de notre travail reflétant un continuum réactivité-proactivité : les « concernés » considérés comme réactifs, les « suffisants » jugés actifs et les « alternatifs » qui se montrent proactifs.
Dès lors, dans ces pratiques de consommation questionnées et en évolution, quel avenir pour les distributeurs ? Quelle place et quel rôle peuvent-ils trouver dans cette transition vers une société post-croissance ?
Les « concernés », priorité à la proximité
Selon nos résultats, les « concernés » sont des consommateurs enclins à rechercher de l’information, que ce soit en ligne ou en supermarché sur les produits qu’ils désirent acheter. Ils veulent connaître leur composition, leur provenance, leur méthode de fabrication et font le choix de canaux d’approvisionnement spécifiques qui correspondent à leurs valeurs. Ils privilégient ainsi les enseignes biologiques comme BioCoop, les magasins locaux voire même coopératifs tels que La Louve à Paris.
Ce mode de consommation induit de nouvelles routines et organisations matérielles. Les « concernés » prennent notamment l’habitude d’utiliser des bocaux pour contenir leurs achats ou encore des sacs réutilisables. Ils sont favorables aux actions anti-gaspillage, à la vente en vrac, à l’offre bio et aux partenariats avec les producteurs locaux.
Les « concernés » introduisent de la sobriété dans leur façon de consommer, moins par la réduction des quantités achetées que par la reconsidération des canaux d’approvisionnement. Il est intéressant de remarquer qu’ils sont particulièrement à l’écoute des propositions venant des distributeurs si celles-ci les aident dans leur transition vers un mode de consommation sobre.
Les « suffisants », la focalisation experte
Un autre profil a émergé de notre recherche, les consommateurs « suffisants ». Insensibles aux effets de mode, ceux-ci diffèrent au maximum leurs achats et visites des points de vente.
Pour les produits alimentaires, ils sont attentifs à acheter uniquement la quantité dont ils ont besoin : pour cela ils plébiscitent en particulier la vente de produits en vrac. Pour les produits non alimentaires, les « suffisants » visent la durabilité, privilégiant pour cela l’achat de produits de qualité (potentiellement plus chers) mais également de produits qui permettent l’entretien et la prolongation de la durée de vie de leurs biens.
Leur intérêt se porte aussi sur les lieux et conditions de fabrication des produits car ils sont…
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Auteur: Isabelle Collin-Lachaud, Professeure des universités, LUMEN (ULR 4999), directrice scientifique de la chaire TREND(S), Université de Lille