Action Directe s'est fait braquer

Dans les romans qui étaient « à paraitre » en aout dernier, La Vie clandestine se distinguait par son sujet, la notice de l’éditeur annonçant un lien entre l’histoire de l’autrice et celle du groupe Action Directe, actif entre 1977 et 1987, responsable d’exécutions et de braquages, etc. Il y avait là quelque chose d’intrigant car l’étiquette « roman » laissait espérer un traitement qui diffèrerait du récit consacré à Joëlle Aubron par la journaliste Vanessa Schneider, qui n’aura été, dans La fille de Deauville, que la porte-voix de cette bourgeoisie policière incapable d’entrer dans les raisons de l’ennemi, ou sa folie – ce que la littérature est la seule à savoir faire quand les autrices ou les auteurs se portent à son point d’incandescence (Chateaubriand avec les révolutionnaires, Balzac avec les bonapartistes, ou Dostoïevski avec les socialistes, par exemple.)

Il faut un peu d’audace, me disais-je, pour imposer de cette façon – avec les outils de la littérature, c’est-à-dire sans poser d’emblée que l’on condamne les agissements d’Action Directe – un sujet si mal famé dans le temps qui est le nôtre, la question de la lutte armée étant devenue au fil des années 90 et 2000 le grand impensé du militantisme de gauche, quand l’extrême-droite se réarme, elle, allant jusqu’à tuer des hommes en plein cœur de Paris.

J’allais donc lire La Vie clandestine.

Je l’ai lu.

Force est de constater qu’il est possible d’être de droite sans le savoir, voire en s’imaginant qu’on est une autre personne (plus touchante ou conciliante). Sous couvert de littérature et d’une curiosité pour Action Directe, l’autrice s’avance en effet grimée (à ses propres yeux du moins) ; si l’absence de condamnation a priori bouscule d’abord un peu le genre, et permet à l’autrice de penser qu’elle se trouve où on ne l’attend pas – elle qui a grandi dans les beaux quartiers de Milan et de Genève –, il n’en va pas de même par la suite ; plusieurs coups de canifs vont être infligés au pacte de lecture.

Dès les premières pages le lecteur peine à comprendre quel sera le point d’intersection entre le groupe de militants (actif entre 1977 et 1987) et la vie de l’autrice ayant grandi entourée de grands-parents et de parents menant parfois grand train (achetant des villas donnant sur le lac Léman, etc.). Le père de l’autrice revient souvent d’Afrique avec une valise d’espion. Il travaille pour le BIT qui « a pour vocation la promotion du droit au…

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Auteur: lundimatin