Admettre le meurtre, nier le crime


Le premier tome du journal de Goebbels a été vendu en France à 25000 exemplaires (45000 en tout pour les quatre tomes). La curiosité, le désir secret de voir un « bourreau », un « monstre » dans son intimité, ont certainement contribué à ce succès éditorial. En Turquie, les mémoires et autres écrits « privés » des Jeunes-Turcs unionistes sont également des publications à succès. Ainsi, le « carnet noir » de Talât Pacha – chef du Comité Union et Progrès, ministre de l’Intérieur (1913-1917) de l’Empire ottoman, puis grand vizir (1917-1918) et l’un des principaux responsables des crimes commis contre les populations non-musulmanes de l’Empire durant la Première Guerre Mondiale – carnet publié en 2009 en Turquie par le journaliste Murat Bardakçi, a été un best-seller.

Là encore cela s’explique par l’idée de voir de plus près, non pas des bourreaux, puisqu’il ne sont pas perçus comme tels en Turquie, mais des grands hommes, des héros de la nation, des pères-fondateurs ainsi qu’ils sont célébrés par la majorité de la classe politique turque, au-delà de tous clivages partisans. Chez l’historien des génocides, l’intérêt porté à ces documents écrits après, cacherait l’espoir inavoué de voir l’expression d’une confession, d’un aveu associé à un certain regret, un remords. Ou encore, cet intérêt serait motivé par la volonté d’évaluer la distance entre « eux » et « nous », autrement dit, d’évaluer leur humanité… Il va sans dire qu’une recherche basée sur un tel point de départ, téléologique et orienté, serait vouée à l’échec.

Tout d’abord, pour les mémoires des Jeunes-Turcs unionistes, il faut d’emblée abandonner les désignations d’ « écrits privés » ou « écrits intimes ». En effet, malgré leurs titres qui suggèrent un discours privé (Mes souvenirs, Ma vie…), il s’agit bien de discours publics puisque publiés…

La suite est à lire sur: lmsi.net
Auteur: Duygu Tasalp