Adoption internationale en France : des pratiques illicites systémiques ?

Depuis une quinzaine d’années, des personnes à la recherche de leurs origines découvrent que des pratiques illicites ont entaché leur adoption à l’international. Par pratique illicite, on entend tout acte du processus adoptif non conforme aux textes et normes juridiques en vigueur dans les pays concernés (d’origine ou d’accueil), ainsi que tout acte portant atteinte aux droits humains (définis par la Déclaration des droits de l’homme de 1948 et la Convention internationale des droits de l’enfant de 1989) des personnes concernées : enfants, parents biologiques, parents adoptants.



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La multiplication des cas de pratiques illicites révélés par des personnes adoptées ou des enquêtes journalistiques pose la question de leur caractère systémique. C’est-à-dire de la consubstantialité de ces pratiques avec le phénomène de l’adoption internationale lui-même. L’étude historique sur les pratiques illicites dans l’adoption internationale en France que nous publions en ce mois de février 2023 permet d’apporter des éléments de réponse.

De si nombreux signalements

La lecture des archives publiques et associatives des différents acteurs de l’adoption internationale (adoptants, intermédiaires, États) montre que, depuis les années 1980, les signalements ont été très nombreux et très fréquents. La presse les a relayés dès cette période. Leur récurrence, voire leur répétition, montre que les pratiques illicites sont demeurées prégnantes au moins jusque dans les années 2000 dans certains pays. Pour la période plus récente, les archives ne sont pas accessibles mais d’autres sources prouvent sa persistance, même atténuée.

Les correspondances des diplomates français en poste au Guatemala (années 1980-années 2000), au Népal (années 2000), au Salvador (années 1980-années 1990), au Sri Lanka (années 1980-années 1990) ou au Vietnam (années 1990), et dans d’autres pays encore, font apparaître le caractère ordinaire des pratiques illicites au cours de ces périodes.

Il s’agit de consentements forcés ou non éclairés des familles biologiques, de fraudes à l’état civil, d’actes isolés lucratifs, de filières délinquantes ou criminelles spécialisées dans la marchandisation d’enfants. La mise en œuvre de la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale (1993) n’a pas suffi pas à éliminer le phénomène.

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Ces signalements récurrents semblent pointer vers un caractère systémique des pratiques illicites. Les nombreuses affaires mises en lumière dans tel pays, à tel moment, avec tel(s) intermédiaire(s), constituent certes des cas spécifiques, mais aussi génériques. La demande d’enfants a créé l’offre dans de nombreux pays, favorisant ainsi une approche mercantile de la filiation adoptive. Ce qui ne signifie pas toutefois que toutes les adoptions internationales ont été touchées par le phénomène.



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L’ensemble des acteurs structurés ont donc pu être au courant de pratiques illicites perpétrées dans le cadre de l’adoption internationale et ne pouvaient donc pas être inconscients des risques d’infractions. Il aurait fallu fermer les yeux et les oreilles à ce qui se disait, s’écrivait, se publiait, par exemple, les travaux du Service social international.

L’État en première ligne

L’État français, dans sa fonction de régulateur de l’adoption internationale, est le premier acteur concerné par la question des responsabilités alors que des pratiques illicites étaient connues, régulièrement dénoncées y compris, et en premier lieu, par ses agents, dès les années 1960. C’est lui qui attribue des visas d’entrée en France pour les enfants adoptés à l’étranger selon les procédures de vérification des dossiers d’adoption qu’il a établies et dont il est le garant. Il est donc responsable de cette partie très importante du processus d’adoption.

Depuis 1989, le ministère des Affaires étrangères habilite et contrôle les organismes autorisés pour l’adoption (OAA) voulant travailler à…

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Auteur: Yves Denéchère, Professeur d’histoire contemporaine, Université d’Angers