« Affaire Bayou » ou « affaire Rousseau » ? Retour sur un emballement médiatique

Le traitement ordinaire de la députée Sandrine Rousseau cristallise à lui seul un fonctionnement médiatique fabriquant des polémiques comme d’autres des pots de yaourts. L’art de la polémique tel que pratiqué dans les médias dominants a l’avantage de s’autoalimenter tout en neutralisant le débat public. On pourrait résumer la couverture de l’élue écologiste à l’équation suivante : une interview, une intervention dans une réunion publique (même la plus marginale) ou un tweet de Sandrine Rousseau = des réactions dans le milieu politique ou sur Twitter = des émissions et des articles consacrés aux dites paroles dans la presse = une « polémique » médiatique = des interviews-réactions à la polémique et ainsi de suite.


Sources : Gala, CNews, Le Huffington Post, BFM-TV, La Voix du Nord, 20 minutes

La « polémique » serait-elle pour autant un produit naturel tombé du ciel, dont les journalistes se feraient simplement le relai ? Ou faut-il plutôt y voir un « inépuisable carburant de leur fonctionnement autophage », comme nous le notions dans un précédent article :

Parfaitement adapté aux normes « guerrières » du flux et des formats médiatiques – pensons aux « débats » sous forme de matchs de catch –, produit de pratiques professionnelles routinières – scruter la « guerre » des réseaux sociaux –, l’usage du terme est devenu totalement performatif : décréter une « polémique », c’est, en soi, faire « advenir » un « événement » dans les médias.

Qui produit la polémique ? Qui oblige les journalistes et les chefferies éditoriales à construire l’agenda médiatique autour de petites phrases qui agitent le réseau Twitter et les émissions de télévision du matin au soir ? La réponse de Léa Salamé à Sandrine Rousseau, qui pose la question de l’agenda médiatique en déclarant à propos d’une conférence de presse que « les journalistes y allaient pour trouver du sang et des larmes », illustre en tout état de cause l’absence de réflexivité de ces derniers quant à leur propre rôle : « C’est vous qui mettez sur la place publique les sujets… » (France Inter, 3/10) Peut-être. Mais ce sont les directions éditoriales qui choisissent d’en faire (ou non) des « sujets » : beaucoup de thématiques sont ainsi « mises sur la place publique » par des personnalités de gauche sans qu’elles ne percent jamais l’agenda médiatique ni, a fortiori, le polarisent pendant plusieurs semaines. Beaucoup de propos venus de la…

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Auteur: Sophie Eustache Acrimed