Affrontements du 1er mai : peut-on se payer le luxe de régler nos différends historiques à coups de poing ?

L’attaque de syndicalistes de la CGT lors du défilé du 1er mai pose de nombreuses questions auxquelles répondre s’avère tout autant complexe qu’impératif. Juliette Rousseau livre une première analyse invitant à repenser certains fondamentaux du mouvement social.

Les tensions entre certaines parties du cortège de tête et les syndicats ne sont pas nouvelles. Les manifestations de cet hiver, contre la loi « Sécurité globale », avaient déjà donné à voir un spectacle assez pathétique, avec les attaques de certains camions syndicaux et les réactions binaires qui s’en sont suivies, signe d’une tension grandissante dans les cortèges. Ce qu’il s’est passé le 1er mai n’a donc rien de très surprenant . Et pourtant, ça n’en est pas moins attristant.

Je ne suis pas certaine de savoir si ce qui me choque le plus ce sont les images de l’attaque sur le service d’ordre de la CGT (SO), ou bien les réactions qu’elles ont suscitées au sein de la gauche. Les accusations graves, les injonctions à se positionner, les termes malaisants (« décompos »), les qualifications grotesques d’une forme organisationnelle ou d’une autre. Toutes les petites boîtes étriquées dans lesquelles une grande partie de notre camp semble décider à se trier lui-même, comme s’il n’avait rien de mieux à faire, comme si c’était ça l’urgence. Ou peut-être parce que, lorsqu’on est devenu.es inaptes à opérer le moindre changement social, il est plus facile de concentrer sa critique sur ce qui est à notre portée et y rejeter la faute. Et entre toutes ces grandes catégories en carton que nous nous échinons à édifier s’échappent la nuance, la complexité, la capacité à habiter les contradictions, conditions pourtant nécessaires à l’élaboration politique collective.

Comprenons-nous bien : les attaquants de la CGT se sont comportés comme des ennemis, et il est de plus en plus clair, au fil des jours, que c’est définitivement ce qu’ils sont. Mais, lorsqu’il s’équipe de battes de baseball ou de matraques pour s’en servir contre les manifestant·es, le SO de la CGT ne fait pas mieux ; en tout cas il entre dans une logique similaire, celle de s’arroger le droit de faire le ménage de force, selon son bon désir (lequel ne manquera pas d’être largement argumenté). Et aucun de ces deux comportements ne résume ni le cortège de tête, ni les Gilets jaunes, ni la CGT.

Nous nous révélons le plus souvent inaptes à penser stratégiquement plutôt que moralement ou en fonction de nos identités…

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Auteur: Juliette Rousseau