Afrique : des transitions démocratiques aux transitions militaires

Depuis 2020, une étonnante épidémie de putschs (cinq en deux ans) a frappé la zone comprise entre les 10e et le 20e parallèles nord, qui va du Soudan à la Guinée. De Khartoum à Conakry, des militaires ont pris le pouvoir entre 2020 et 2022 et entendent y rester. Niger mis à part, cette bande est ainsi devenue la « bande des juntes ».

Analyse d’une tendance qui, malgré les promesses des putschistes, n’annonce nullement l’avènement – ou la restauration – de la démocratie dans les pays concernés.

Putschs de guerre, putschs de paix et putsch consenti

Commençons par un bref rappel des événements.

Bien que tous ces pays aient une longue histoire de pouvoirs militaires, il faut distinguer, dans cette succession de coups de force, les « putschs de guerre », les « putschs de paix » et le putsch consenti tchadien. Les premiers (Mali et Burkina Faso) sont motivés par la défaite progressive face aux groupes djihadistes et le mécontentement consécutif des militaires vis-à-vis du pouvoir civil.

Les noms que se sont donnés les putschistes au Burkina Faso (Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration, MPSR) et au Mali (Comité national pour le salut du peuple, CNSP) illustrent leur motivation : prendre les rênes de la guerre pour sauver le pays face à ses ennemis.

Parmi ces cinq coups d’État, le Tchad est un cas particulier car il peut être qualifié de putsch consenti. En effet, il n’y a pas eu de renversement du pouvoir, mais une succession familiale anticonstitutionnelle dans laquelle l’oligarchie militaire a joué un rôle-clé.

Après le décès inattendu du président Déby, le président de l’Assemblée nationale Haroun Kabadi a renoncé à être président par intérim comme le prévoyait la Constitution, au profit d’un des fils de Déby et d’un groupe de généraux (Conseil militaire de transition, CMT). Dans la mesure où les protestations ont été minoritaires et vite réprimées, la succession militaro-dynastique a été consentie par la majorité de la classe politique, y compris des figures historiques de l’opposition.

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Quant aux « putschistes de paix » (Guinée, Soudan), ils ont – de même qu’au Tchad – pris le pouvoir pour préserver des intérêts, avant tout ceux de l’armée. Au Soudan, la transition prenait une direction dangereuse pour l’oligarchie militaire, le comité de démantèlement du régime d’Omar el-Béchir commençant à s’intéresser de près à son empire économique. Le putsch a donc mis un coup d’arrêt à la « débachirisation » du pays et s’est traduit par le retour aux affaires de plusieurs fidèles d’el-Béchir.

Au Tchad, le demi-putsch visait la conservation du pouvoir par le groupe militaro-clanique qui soutenait Idriss Déby. En Guinée, si le Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) a justifié son putsch par la nécessité de « fonder une nation et de bâtir un État », il représente aussi et surtout des intérêts particuliers à l’intérieur des forces de sécurité. Dans ces trois pays, des mesures salariales en faveur des forces de sécurité ont d’ailleurs…

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Auteur: Thierry Vircoulon, Coordinateur de l’Observatoire pour l’Afrique centrale et australe de l’Institut Français des Relations Internationales, membre du Groupe de Recherche sur l’Eugénisme et le Racisme, Université Paris Cité