C’est dans le huis clos d’une commission mixte paritaire que va se jouer la proposition de loi « visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur ». Porté notamment par le sénateur et éleveur Laurent Duplomb, le texte obéit à une logique productiviste et pousse à l’extension de pratiques intensives. Elle témoigne certes d’un ras-le-bol qui s’exprime dans le monde agricole contre un excès de normes. Mais elle illustre surtout la volonté de l’agro-industrie de reprendre la main.
Depuis une trentaine d’années, les enjeux sanitaires et écologiques ont pourtant été mieux pris en compte, à juste titre. Des dispositions ont été adoptées lors des précédentes législatures au nom du principe de précaution et pour favoriser des modèles plus respectueux de l’environnement. Ces évolutions ont certes ajouté de la complexité au métier. Aujourd’hui, les tensions économiques, sur fond de concurrence intra-européenne, ne doivent pas justifier des reculs en matière de protection des agriculteurs, des consommateurs et du vivant. C’est en tout cas le message qu’ont fait passer ces derniers jours des organismes aussi différents que la Ligue contre le cancer ou les régies publiques de l’eau.
La volonté d’autoriser à nouveau l’usage dérogatoire d’un insecticide de la catégorie des néonicotinoïdes – « tueurs d’abeilles » – est emblématique d’une vision étriquée du rôle de l’agriculture dans la société. Cette activité vise à nourrir la population et doit permettre à ceux qui la pratiquent de vivre bien. Mais elle doit aussi prendre en considération avec lucidité les impacts qu’elle a sur l’environnement et la santé. Il serait très préoccupant que le Parlement adopte finalement un texte sans nuance privilégiant un retour en arrière.
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