Certains discours liés à la sphère professionnelle ont pour conséquence de banaliser la souffrance au travail. Dans ce domaine comme ailleurs, nous tenons des propos qui parfois nous dépassent et toujours nous façonnent. Ils sont le plus souvent le fait de la hiérarchie mais pas seulement. Nous entendons et répétons certaines formules sans forcément les interroger et nous risquons alors de produire ou d’entretenir des situations de domination que nos mots légitiment ou déguisent. Comment sortir de ces rhétoriques et les combattre ? Encore faut-il les repérer.
La justification par le métier : “C’est comme ça dans le milieu”
Manuela* a longtemps accepté de finir plusieurs fois par semaine à 22h, sans rémunération des heures supplémentaires. Elle trouvait normal de ne pas compter son temps, de souffrir au travail, souvent. Son père et son collègue l’aidaient à se faire une raison : c’était normal, c’était les premières années, le revers de la médaille. Mais surtout : c’était aussi ça, le journalisme. À l’époque on n’en faisait pas tout un plat.
Vous aussi, on vous a fait le coup ? On vous a déjà renvoyé aux spécificités de votre milieu professionnel alors que vous faisiez état des difficultés que vous y rencontriez ? On vous a déjà dit que ce n’était pas étonnant, qu’il fallait s’y attendre ? On vous a déjà donné pour tout horizon le maigre réconfort d’un constat partagé ?
« C’est comme ça dans le métier » : le milieu de la restauration est réputé misogyne. La politique, violente. La culture, précaire, et les métiers du soin, épuisants. À juste titre dans tous les cas, sauf que : l’agriculture aussi, l’enseignement, l’informatique, le conseil. Le rythme, le manque de moyens, la pression, les traditions, la hiérarchie, les burn-outs, la précarité, le harcèlement, les démissions… À chaque milieu professionnel ses tares et à chaque souffrance au…
Auteur: Camille Lizop