Alaa Abd el-Fattah, l’inépuisable voix de la révolution égyptienne

Le 11 février 2011, sur la place Tahrir du Caire, le monde assistait, médusé, à ce qui paraissait encore à peine croyable : Moubarak rendait les clés sous la pression du collectif-en-acte. Éruptif et foudroyant, l’élan révolutionnaire venu de Tunisie avait ouvert la brèche de tous les possibles. Le jour suivant, j’atterrissais à Tahrir, et j’y trouvais un pays comme miraculeusement délivré. C’est donc cela les lendemains qui chantent ? Depuis des haut-parleurs suspendus ici et là, entre la place Talaat Harb et ses rues adjacentes, la voix de Shadia tonnait, celle de Abdel Halim Hafez la suivait, les chants patriotiques et révolutionnaires se succédaient, derrière un brouhaha joyeux d’intarissables bavardages. Un balai à la main, j’imitais le mouvement général : il fallait restaurer un pays tombé en ruine après quatre décennies de criminelle négligence. 

C’est sur la place Tahrir qu’au mois de décembre 2011, je rencontrais Alaa Abd el-Fattah pour la première fois. Vêtu d’une longue galabeyya blanche, Alaa menait le débat au milieu d’une vingtaine de personnes regroupées autour de lui. Né en 1981, soit un an après l’accession de Moubarak au pouvoir, Alaa est l’une des nombreuses figures qui ont contribué à façonner une culture contestatrice en Égypte, à partir du début des années 2000. Membre du mouvement Kefaya (Assez) fondé en 2004 contre un nouveau mandat présidentiel de Moubarak et contre le principe d’hérédité du pouvoir, ce jeune informaticien et bloggeur était déjà un militant chevronné, formé dans le creuset de l’environnement familial. En effet, son père, Ahmad Seif al-Islam, militant communiste et avocat, était à la tête du Centre Hicham Moubarak pour les droits humains, dont les locaux servaient de QG pour une partie de la gauche au Caire ; sa mère, Laila Soueif, universitaire, est une militante féministe, co-fondatrice du Mouvement du 09 Mars pour l’indépendance des universités. 

Doté d’une solide culture politique, Alaa est surtout un homme de son temps. À la pointe de la technologie, il contribue à remodeler non seulement les pratiques militantes, notamment à travers un usage novateur des réseaux sociaux, mais également le langage politique. Intellectuel public ancré dans les collectifs militants, sa voix n’a eu de cesse de « dire la vérité au pouvoir[1] ». Pour cela, Alaa a passé l’essentiel des 10 dernières années en prison. Condamné en 2021 pour « diffusion de fausses informations », il a entamé une grève de la…

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Auteur: redaction