Alep Quinze heures du matin

je me permets de vous proposer un texte – un fragment, presque l’incipit un peu remanié – d’un livre paru chez Al Dante : Alep quinze heures du matin. Il me semble que cela aurait du sens qu’il soit accueilli parmi vos propositions. Parce qu’Alep n’est pas que le nom d’Alep, mais aussi celui de Guernica, Srebrenica ou Gaza, ou tant d’autres. Parce que face à ces horreurs que les hommes sont capables de faire aux hommes, même si cela est dérisoire, il me semble qu’il est important de dire les choses qui sont, le redire avec obstination et faire ce qu’on dit. Je vous remercie de votre attention. Claude Favre

il est quinze heures du matin, c’est un trou dans nos nuits
c’est un théâtre

cela pourrait s’appeler de noms beaux comme l’aurore
cela pourrait s’appeler Alep

il y a des images de liesse, filmées par la télévision officielle
syrienne
des armes pour la joie, des langues pour la haine
des photographies géantes de Bachar Al-Assad
il y a des sapins scintillants, des messes dites
il y a des corps à terre
parfois ce ne sont même plus des corps
des gens qui fuient, après la faim les bombes, qui ne savent où fuir, comment, et si
comment après les tracts largués durant des semaines par l’aviation syrienne et russe
« Vous savez que tout le monde vous a abandonnés. Ils vous ont laissés seuls face à votre destin et personne ne vous aidera. »

il y a des enfants qui ne pleurent même plus

cela s’appelle Alep, c’est le nom des pertes, le nom d’un monde à sa perte qui, de longue date se reproduit
un nom de siècles, de millénaires, de faits, de preuves, de discours, de pièces qui mentent
ce n’est pas la fin d’un monde, ça a de loin commencé, Alep, un des noms des hommes à bout, cela s’appellera toujours Alep, de dessous les décombres d’échanges millénaires, de décisions pourrissant

il y a le courage, la ténacité
cela s’appelle Alep
le nom de notre indifférence, de nos feintes, de notre…

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Auteur: dev