Amnesty International et l’Ukraine : de la difficulté d’invoquer le droit humanitaire en temps de guerre

Le 4 août 2022, dans le contexte du conflit armé russo-ukrainien, Amnesty International publiait un communiqué de presse faisant état de « tactiques de combats ukrainiennes mett[ant] en danger la population civile ». Le reproche fait à l’armée ukrainienne est de placer des objectifs militaires, que les forces armées russes sont autorisées à prendre pour cible sous certaines conditions, au milieu de la population civile ukrainienne (zone d’habitation, écoles et hôpitaux) et ainsi de mettre en danger cette population civile.

Immédiatement, ce communiqué et l’ONG qui le porte, que l’on peut difficilement soupçonner de complaisance à l’égard des autorités russes en général et dans le conflit actuel, se sont trouvés au cœur d’une vive polémique aux ramifications tant politiques que juridiques.

Politiquement, l’ONG est accusée par la responsable démissionnaire d’Amnesty en Ukraine de servir la « propagande russe » et par le président Zelensky de « tentative d’amnistier un État terroriste ».

Juridiquement, les analyses se sont multipliées pour soutenir, plus ou moins explicitement, que le droit international humanitaire devait être interprété différemment selon qu’il s’applique à un État agresseur ou à un État agressé. Encore récemment, le 21 septembre 2022, dans l’émission « C ce soir » consacrée au conflit, un intervenant qui désignait la Russie et l’Ukraine comme les « belligérants » s’est vu reprocher cette expression tirée du droit international humanitaire (DIH) et prié de désigner ces États comme l’agresseur et l’agressé. Le constat paraît sans appel : la Russie et l’Ukraine ne sont pas sur un pied d’égalité, y compris quand il s’agit de DIH.

Que dit le droit ?

Pourtant, ce constat « de bon sens » est erroné en droit international qui, comme l’ont rappelé depuis plusieurs spécialistes comme Marco Sassolì ou Julia Grignon, différencie d eux corps de règles strictement indépendants : le jus ad bellum (ou droit de recourir à la force), qui distingue effectivement l’État agresseur de l’État agressé, et le jus in bello (ou droit international des conflits armés, ou DIH), qui s’applique à toutes « les parties au conflit armé » ou « belligérants » indifféremment quant à leur qualité d’agressé ou d’agresseur ou à la cause que ces parties défendent.

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Le premier corps de règles, le jus ad bellum, permet d’affirmer quel État utilise la force licitement, c’est-à-dire conformément à la Charte des Nations unies, et lequel viole le droit international et met en danger la paix et la sécurité internationales. En l’occurrence, il est largement admis que la Russie a agressé l’Ukraine, qui utilise la force en légitime défense…

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Auteur: Elsa Marie, Doctorante en droit international, Centre de droit international de Nanterre (CEDIN), Université Paris Nanterre – Université Paris Lumières