André Gorz, cet écolo socialiste qui voulait libérer le temps

Françoise Gollain est docteure en sociologie et retraitée de l’enseignement supérieur. Elle vient de publier André Gorz & l’écosocialisme (2021, éd. Le Passager clandestin).


Reporterre — Vous avez bien connu André Gorz ?
Françoise Gollain — Oui, c’était un ami. À 19 ans, j’ai d’abord découvert le journaliste : ses articles étaient les premiers sur lesquels je sautais dans Le Nouvel Observateur — ils sont peu nombreux encore aujourd’hui à développer des idées aussi radicales ! Et puis je l’ai rencontré quand je finissais ma thèse publiée en 2000 sous le titre Une critique du travail. Entre écologie et socialisme. Je n’étais pas encore diplômée, mais il m’a prise au sérieux tout de suite.

Gorz ne raisonnait vraiment pas en matière de réussite matérielle ni de statut social. Lui-même n’était pas un philosophe officiel, d’ailleurs : il n’avait qu’un diplôme d’ingénieur chimiste, et était simplement disciple et ami de Sartre. Son activité intellectuelle, qu’il a menée assez fébrilement durant une cinquantaine d’années, provenait d’un intérêt sincère pour la manière dont les gens vivent. Ce qui l’intéressait, c’était d’élaborer une philosophie qui favorise l’accomplissement, par chacun, de sa propre liberté : contre l’impératif de profit, et contre l’État si nécessaire. L’écologie de Gorz est fondamentalement humaniste.

En 1972, il a été le premier à appeler à la « décroissance ». Dans quel contexte, et pourquoi ?

1972 est l’année durant laquelle a émergé une conscience écologique mondiale, avec plusieurs publications : le rapport Meadows, commandé par le Club de Rome, dont le titre français était « Halte à la croissance ». Et, moins connue du grand public, la lettre ouverte au président de la Commission européenne, de Sicco Mansholt, un homme d’État néerlandais qui remettait en cause l’orientation vers la croissance de ladite Commission.

En avril de la même année, Gorz a publié dans Le Nouvel Obs un article en défense de ces deux textes, particulièrement contre des critiques acerbes du journal l’Humanité. Pour lui, ces publications montraient que le capitalisme, qui exige le rendement et la croissance pour garantir des profits, n’est tout simplement pas compatible avec la survie de l’humanité. Conclusion : il faut engager l’économie dans une logique de décroissance.

Keep Cottage, une maison partagée habitée et gérée par des étudiants de l’université d’Oberlin (Ohio), aux États-Unis….

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Auteur: Reporterre