Anesthésie, Covid… comment l’interdisciplinarité profite à l’innovation en santé

Personne ne niera la gravité de la crise sanitaire que nous venons de traverser. Mais, au-delà des manques et des carences de notre système sanitaire, la pandémie de Covid a également été un révélateur à de multiples niveaux. Il y a notamment eu une prise de conscience de la valeur de la santé, et de l’importance d’avoir un hôpital capable de s’adapter et de se développer pour faire face aux défis de demain.

Or, si on parle depuis des années de la mutation du système de santé, il faut souligner qu’elle ne suit plus les rythmes des mutations sociétales. Il y a là une importante réflexion à avoir, d’autres visions et d’autres propositions à envisager.

Parmi les ressorts possibles, nous travaillons, à l’Institut de formation des cadres de santé, à initier un nouvel élan. L’avenir du système hospitalier ne peut, en effet, être déconnecté des évolutions des formations en santé : c’est par la formation initiale et continue de ses acteurs que toute organisation se transforme.

Une des pistes que nous explorons, pour favoriser une meilleure adaptation, repose sur la construction d’une véritable interdisciplinarité et sur l’usage du concept anglo-saxon de « fertilisation croisée » (cross fertilization).

L’impact (éphémère) de la crise sanitaire

Si le terme est peu connu, il n’est pas un concept abstrait : de telles opérations de fertilisation croisée, relayées par les médias, ont eu lieu pendant la crise du Covid. Une multitude de compétences et savoirs issus de différents horizons, et portés par des énarques, des informaticiens, des soignants et autres spécialistes, se sont alors conjugués pour permettre la prise en soin des patients.

Rapidité, adaptabilité et créativité a semblé, un temps, être les mots d’ordre partagés par tous, avec pour résultat le développement de plates-formes d’appel et de suivis de patients (tel Covidom), de systèmes de suivi informatiques ou encore l’usage d’imprimantes 3D pour fabriquer des lunettes de protection aux soignants, etc.

Malheureusement, l’enthousiasme est retombé trop vite. Sans doute n’avons-nous pas su capitaliser sur ces rencontres.

Nous étudions la manière d’incorporer ce concept de fertilisation croisée de façon plus durable dans la pratique médicale. Pour cela, il importe de bien le définir au préalable, d’en montrer l’intérêt pour nos systèmes de formation et plus largement en santé. C’est ce que cet article entend éclairer.

Le paradoxe de l’hôpital : l’interdisciplinarité, mythe ou réalité ?

Le monde hospitalier et universitaire se distingue, aujourd’hui encore, par ses disciplines très cloisonnées – un cloisonnement structurel et organisationnel, lié notamment, en santé, au cloisonnement initial des formations dispensées. L’hyperspécialisation médicale fragmente encore aujourd’hui la prise en soin des patients en sillon disciplinaire.

Pourtant, la complexité des décisions n’a cessé de nourrir le besoin d’interdisciplinarité, en témoigne l’explosion des publications sur ce thème depuis les années 1970. Le professeur émérite à l’Université Sorbonne Paris Nord et philosophe du soin Gérard Reach montre que la prise de conscience dans ce domaine date de cette période clef. Selon lui, l’idée d’interdisciplinarité émerge autour de quatre « inventions » :

1)
L’éducation thérapeutique du patient (1972),

2)
Le concept de gestion du risque (risk managment) à l’hôpital (1975),

3)
Le modèle biopsychosocial qui intègre les facteurs psychosociaux au même titre que les facteurs biologiques (1977),

4)
La reconnaissance des principes éthiques d’autonomie (le respect de choix des patients) du droit au soin (1979).

C’est dans ce contexte qu’émergent les premières publications sur l’interdisciplinarité : non plus une simple superposition ou juxtaposition de l’action des professionnels de santé, mais une réelle concertation, collaboration entre différents acteurs sans prévalence d’une discipline par rapport à l’autre.

Les publications sur l’interdisciplinarité sont en croissance désormais quasi exponentielle

Nombre de publications sur la thématique de la collaboration interprofessionnelle et grands tournants historiques expliquant le besoin d’interprofessionnalité.
D. Naudin, d’après les publications PubMed (Juin 2020), Author provided

Dans la pratique, l’

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Auteur: David Naudin, Coordonnateur du Pôle de la Recherche Paramédicale en Pédagogie du CFDC PhD – Laboratoire Éducations et Pratiques en Santé (LEPS UR 3412), AP-HP, Université Sorbonne Paris Nord