Annkrist : « Qui chante combat ! »

Qui chante combat, ce texte d’Annkrist est issu originellement d’un ouvrage regroupant des chansons de femmes, En portées, publié aux éditions Syros en 1979, lundimatin vous en propose ici la lecture. En sus de quelques chansons, Annkrist avait donné ce plaidoyer pour cet art sans équivalent, puisqu’elle le dit très clairement à qui veut bien l’entendre : « la chanson est le poème du peuple ».

« QUI CHANTE COMBAT

‘‘Qui dort dîne.’’ vient spontanément à l’esprit de tout un chacun, peu connaissent le proverbe dans son intégralité : « Qui dort dîne, qui chante combat. »

Proverbe de sagesse populaire, pas toujours aussi stupide qu’on ne le dit.

Et c’est vrai !

Si on laissait s’écrire l’histoire sans faire de chansons, on n’entendrait aucune voix humaine : juste un immense râle de troupeau.

Mais, chanson populaire et chansons éternelles, il en est qui en feront encore et en feront toujours… pour leur propre ardeur et le songe des autres…

Maisons en colère, enfants bouleversés, éternels mal barrés, il fait bon quand on chante, c’est vrai. On ne meurt plus, on chante.

Peut-être que la voix, c’est l’âme ? Je n’en sais rien – mais ce que je sais, c’est qu’il y a un charme dans la chanson, un sortilège unique.

C’est celui d’enchanter, justement.

Et aussi de sauver l’épopée de ceux que l’histoire, la grande, n’aurait jamais retenue. Voire qu’elle effacerait volontiers.

Chansons qui glissent dans les rues des corps et les artères des villes, chansons tragiques qui rappellent la pluie du monde et l’appel de la mer.

Chansons douloureuses qui vont vers la lumière comme l’eau du fleuve, chansons qui passent de cœur en cœur le secret de chacun pour tous, chansons qui descendent la montagne quand la journée est finie, chansons limpides et vaillantes comme l’éternité du temps, chanson du bonheur menacé – c’est pas vrai que nous sommes en temps de paix, non, c’est pas vrai – et chansons des races liquidées qui font mal. Il manque des couleurs, maintenant dans le chant du monde. Chanson inachevée du monde…

Ce doit être atroce de mourir quand on a une chanson à finir.

N’empêche que ce siècle-ci a sur l’âme le plus noir des meurtres, celui de Victor Jara et de tous ceux qui lui ressemblent. Ils ont mis dans la poche de son ventre une chanson à finir.

Une chanson qui dit que mourir tué, mourir usé, n’est pas mourir : c’est pire !

Chanson qui fait rêver le monde, et qui est sortie de son rêve aussi.

Chanson pour des…

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Auteur: lundimatin