Antibiotiques, antidépresseurs… Absorbons-nous des résidus de médicaments sans le savoir ?

La consommation mondiale de médicaments a enregistré une tendance à la hausse au cours de la dernière décennie. Quelques exemples frappants permettent d’en prendre concrètement conscience : la consommation de traitement hypocholestérolémiant a presque quadruplé, celle d’antidépresseurs et d’antidiabétiques a doublé et celle d’antihypertenseurs a augmenté de 65 % dans les pays de l’OCDE entre 2000 et 2019.

Les dépenses de médicaments en France ont représenté 30 milliards d’euros en 2020, soit une moyenne de 445€ par habitant. Plus une population vieillit, plus sa consommation médicamenteuse augmente.

Mais la vie d’un médicament ne s’arrête pas à son ingestion. Une partie des composés actifs qui le composent est en effet excrétée par notre corps, par l’urine ou les fèces – soit intacts, soit transformés en métabolites (petites molécules organiques utilisables par les organismes vivants). Ces médicaments et leurs métabolites finissent dans les stations d’épuration des eaux usées, qui, n’étant pas conçues pour les traiter, ne sont pas en mesure de les éliminer complètement.

Par conséquent, une quantité importante de produits pharmaceutiques est rejetée chaque jour dans les eaux de surface par le biais des effluents d’eaux usées. Ces médicaments peuvent parcourir de longues distances et passer des rivières aux eaux souterraines et aux sols agricoles, où ils peuvent être absorbés par les plantes cultivées et entrer dans la chaîne alimentaire.

Des polluants non réglementés

L’amélioration des équipements de détection et la mise au point de méthodes analytiques plus puissantes nous ont donné la possibilité de détecter dans les eaux de surface et d’autres matrices environnementales ce qui, il y a quelques années, était un monde invisible et complexe.

La présence de résidus de médicaments dans les ressources en eau n’est pas encore réglementée. Cependant, l’Union européenne (UE) a établi des listes de surveillance (décisions d’exécution 2015/495, 2018/840, 2020/1161 et 2022/1307) dans le but de collecter des données de surveillance sur les substances pour lesquelles il existe une suspicion de risque significatif pour l’environnement aquatique et, à travers lui, pour l’Homme.

Plusieurs médicaments courants figurent sur ces listes, par exemple l’antibiotique sulfaméthoxazole (Bactrim, etc.), l’antidépresseur Venlafaxine et l’antidiabétique oral Metformine.

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Impact sur l’écosystème

Les médicaments sont des molécules biologiquement actives conçues pour avoir un effet pharmacologique sur les organismes vivants : il n’est donc pas surprenant que l’exposition constante des organismes aquatiques aux résidus de médicaments puisse avoir un impact négatif sur leur santé.

Un rapport 2019 de l’OCDE énumère certains de ces effets observés en laboratoire :

  • Les analgésiques peuvent provoquer une génotoxicité (toxique pour l’ADN) et une neurotoxicité chez les mollusques et une perturbation endocrinienne chez les grenouilles.

  • Les antiépileptiques provoquent un retard de croissance chez les poissons et sont délétères pour le système reproducteur des invertébrés.

  • Les antipsychotiques provoquent des troubles du comportement chez les poissons.

  • Les antidiabétiques oraux ont des effets potentiels sur le système endocrinien des poissons.

  • Les hormones provoquent des altérations du système reproducteur chez les poissons et les grenouilles.

Sur la base de données scientifiques et techniques concernant leur présence, leur persistance et leur toxicité, l’UE a récemment publié une proposition visant à réglementer la concentration de certains antibiotiques, analgésiques et hormones dans les eaux de surface, ainsi que de l’antiépileptique carbamazépine et de l’antibiotique sulfaméthoxazole dans les eaux souterraines.

De la station d’épuration à nos tables

L’une des principales sources de produits pharmaceutiques dans l’environnement est constituée par les effluents des stations d’épuration, où ces molécules apparaissent à des concentrations faibles – allant des nanogrammes par litre aux microgrammes par litre – mais constantes.

Une fois libérés dans les eaux de surface, ils peuvent…

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Auteur: Raffaella Meffe, Investigadora del Grupo Calidad de Agua y Suelo, IMDEA AGUA