Apprendre le langage des animaux pour mieux cohabiter

Il est des livres qui, tel le poulpe, échappe à toute préhension. Le dernier livre de Vinciane Despret est de ceux-là. Avec son Autobiographie d’un poulpe — et autres récits d’anticipation (Actes Sud, avril 2021), la philosophe belge propose une aventure textuelle, au croisement de la science et de la fiction, de l’écologie et de la poésie.

Pour ce faire, l’autrice met en place un dispositif littéraire original. Trois courts récits, à mi-chemin entre la description éthologique et la fable morale, permettent d’évoquer les dernières recherches sur trois espèces distinctes. Le premier évoque la poésie vibratoire des araignées, le deuxième la cosmologie fécale des wombats et le dernier la spiritualité des poulpes. Cependant, pour parler de notre époque, Despret choisit de placer ses histoires dans un futur relativement proche – certainement le mitan de notre siècle. Elle raconte ainsi les trois premières décennies du XXIe siècle à travers les mots de plusieurs associations œuvrant à réconcilier animaux humains et non-humains. L’une d’elles se nomme l’« association de thérolinguistique ». Le mot est emprunté à la romancière de science-fiction féministe et anarchiste Ursula Le Guin et désigne « la branche de la linguistique qui s’est attachée à étudier et à traduire les productions écrites par des animaux ». On mesure rapidement l’intérêt d’une telle fiction : ces voix du futur permettent de relire quelques travaux éthologiques singuliers à la fin du XXe et au début du XXIe siècles et, les rassemblant sous la bannière fédératrice de la « thérolinguistique » et de la « théroarchitecture », de dessiner les voies qui mènent ces pionniers vers un avenir meilleur.

Considérer comme de l’art quelques gestes sauvages

Cette conception du progrès se distingue toutefois résolument des approches scientistes et technicistes dominantes. Ici, le progrès se définit avant tout sous l’angle des représentations. Les lendemains chantent parce que nos manières d’appréhender le monde ne reposent plus sur son exploitation effrénée, mais sur une composition artistique à laquelle contribuent tous les Terrestres. D’où l’importance accordée au langage. Ces trois fictions sont autant des récits d’anticipation que des utopies poétiques, cherchant la meilleure traduction possible des œuvres animales. « Il nous manque les mots pour désigner ce phénomène », constate l’un des observateurs des araignées : c’est bien cette aporie linguistique – et, in…

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Auteur: Maxime Lerolle Reporterre