Après l'ENA, Sciences Po ?

Frederick Catherwood. — « Broken idol at Copan » (Idole cassée à Copan, date inconnue).

La suppression de l’École nationale d’administration (ENA) relève de ces propositions répétées et donc vaines qui mériteraient d’entrer dans un dictionnaire des idées reçues : « ENA : à supprimer ». L’improbable est cependant arrivé le 7 avril 2021, avec l’annonce de sa dissolution par le président Emmanuel Macon au profit d’un Institut des services publics (ISP). On peut s’attendre en ce domaine aux sarcasmes sur la « poudre aux yeux », le « coup de bluff », « beaucoup de bruit pour rien » qui enterrent par avance une réforme. On ne saurait pourtant sous-estimer la rupture symbolique qui se joue là.

La fin de l’acronyme ENA est déjà une (petite) révolution avec ses conséquences matérielles — on ne se définira plus comme un « ancien élève de l’ENA », comme un énarque, etc. — et dans les représentations du pouvoir politique. Sauf à trouver une autre dénomination équivalente. L’annonce d’une réforme n’est en effet pas la réforme, et il faudra attendre plusieurs années pour évaluer ses effets. La réalité et la sincérité de la mesure seront plus tard jugées moins à l’aune des intentions affichées dans les textes qu’à celle des moyens concrets mis au service du changement et des visions dont il procède. En l’occurrence, il ne sert à rien d’envisager une véritable réforme du nouvel ISP sans tenir compte du cordon ombilical reliant la très visible ENA à l’à peine moins visible Sciences Po.

Lire aussi Alain Garrigou, « D’une école l’autre », « Tous populistes ! », Manière de voir n˚164, avril-mai 2019.

La crise de deux institutions n’est pas simultanée par hasard : l’ENA était sous pression depuis qu’Emmanuel Macron en avait évoqué la suppression pendant le mouvement des « gilets jaunes » ; quant à Sciences Po, la démission soudaine du président de la Fondation nationale des sciences politiques (FNSP), Olivier Duhamel, a entrainé celle du directeur de l’Institut d’études politiques (IEP), Frédéric Mion. Que la crise ait pris un tour personnel et relationnel avec la mise en cause des mœurs du président de la FNSP — comme il y avait eu une autre affaire de mœurs dans la disparition du directeur Richard Descoings — ne doit pas étonner dans un milieu où règne l’entre-soi et qui fonctionne selon une économie de connivence : quand la tête tombe, c’est…

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Auteur: Alain Garrigou