Dans le fourgon bleu-blanc-rouge lancé à toute vitesse sur l’autoroute, Uwaïs* colle sa tête contre la vitre. Il essaye de distinguer le paysage à travers les trous de la grille fixée à la fenêtre. « Et là, je vois Orly [l’aéroport, ndlr]. Je n’y crois pas. Je me dis que ce n’est pas possible. »
Il se souvient avoir pensé : « Toute ma vie est en France. Toute ma famille vit ici, mes parents, mes oncles, cousins… » Il se voit déjà déposé sur le tarmac à des milliers de kilomètres de chez lui, sans rien. « J’essayais de me rappeler, mais je n’avais aucun souvenir, aucune image des Comores. » Là-bas, il n’a personne vers qui se tourner, pas un membre de la famille à qui demander un toit.
Une enfance sans papiers d’identité
Uwaïs est arrivé en France en 1999, à l’âge de deux ans et demi, dans les bras de son père comorien. Il garde un vague souvenir de cette période. Ses premières années se partagent entre le canapé d’un oncle ou de cousins, la rue, puis le studio de son père, qui travaille la plupart du temps. Uwaïs se sent seul. Sa mère les rejoint finalement en 2003. La situation se stabilise un peu, la famille trouve un logement fixe, ses frères et sa sœur naissent.
À l’école, Uwaïs se sent tout aussi Français que ses copains, même s’il voit bien que lui rencontre quelques difficultés. Pour un voyage scolaire en Allemagne, il ne peut pas fournir de document d’identité à la prof. Son brevet, il le passe avec son carnet de liaison comme seul justificatif. Il sent que ce n’est pas normal. « Mais je ne captais pas vraiment, j’étais un enfant », se rappelle le jeune homme.
La mère d’Uwaïs a un permis de séjour, ses frères et sœurs plus jeunes, nés en France, ont la nationalité française. Lui n’a pas de papiers, son père repousse le moment de faire les démarches. Alors, Uwaïs obtient son bac de la même manière que le brevet, sans document d’identité. Les…
Auteur: Emma Bougerol