La série britannique Adolescence, diffusée en ce moment, rencontre un succès phénoménal. Elle traite du masculinisme à travers ce qu’on appelle la culture incel (celle des célibataires involontaires vouant une haine absolue aux femmes). Intéressant, intrigant, effrayant ? La diatribe anti-woke du Monde, déguisée chaque semaine en chronique culturelle, voit au contraire dans ce succès le plus grand des dangers.
C’est celui du fameux « débat de société », qui viendrait piétiner de ses gros sabots « militants » la forme complexe de la vraie œuvre d’art.
La « société » contre l’« art » ; le « débat » contre l’« aura » ; l’« audience » contre le « mystère » ; la « forme » contre la « démonstration » ; les « cinéphiles » contre les « sociologues et autres observateurs de la société ». Le journaliste Michel Guerrin parsème son papier d’une série d’oppositions binaires bien connues et bien grossières, censées délimiter (ou plutôt réaffirmer, assez laborieusement) le bon du mauvais regard sur la culture. Le premier reste celui d’une petite élite avertie, soucieuse de la forme, elle seule habilitée à la décrypter, et pour qui le succès populaire est toujours un peu suspect ; le second, menaçant dans le monde d’aujourd’hui, indexe la valeur artistique à des principes… moraux – le gros mot est lâché.
L’idée pourtant assez simple, selon laquelle la production culturelle, loin de ne résulter que d’une « intention esthétique » comme dirait Bourdieu, est aussi le produit, dans ses formes mêmes, de question sociales, politiques, morales etc (et que c’est aussi tout ça qui fait aussi leur intérêt et leur succès), est tout bonnement ignorée. Campant résolument du bon côté de la barrière (qu’il se fait fort de protéger), Michel Guerrin nous propose une petite leçon de subtilité, par cette remarque, proférée d’un air…
Auteur: Sylvie Tissot