Je viens d’arriver à Lussas, et j’vais m’coucher après une soirée avec Lix au Bar- Restaurant du village. Nous avons parlé cinéma, documentaire, travail, revue, édition, études et chômage. On a également discuté avec des habitant·e·s du coin, un agriculteur et une dame qui bosse dans l’école, à Aubenas, ville d’à- côté. Lussas c’est vraiment un p’tit bled. Ses habitant·e·s voient débarquer une fois par an une horde d’intellos parisien·ne·s (oui mais pas que) qui regardent le monde entier d’ici, tous réuni·e·s. « Une année ils nous ont laissé des tonnes de merdes et des canettes dans nos champs, ouais, là-bas derrière », nous dit le gars, « ils avaient sûrement fait la fête ».
À force d’absorber des images, on s’lâche et on s’abime en bière, on s’imbibe soi, nécessairement. J’me disais ça. Le festival n’a peut-être pas été fait pour ça, ni même présenté comme cela, mais les usages l’emportent toujours sur les programmes, et ça donne ça : tu regardes le monde via des films, tu socialises et tu picoles, tu chopes un queer-code sur le web ou en passant par une pote pour pouvoir entrer dans les salles, sur les food-trust etc … Tu discutes avec des locaux, pour te donner une sorte d’allure. T’entretiens un petit entre-soi qui choisit avec précaution via quelles lunettes il va scruter. Aussi tu passes sans transition de sujets tendances, d’idées philo, et de débats sur l’esthétique à des conseils sur comment crack le RSA et les aides au logement aussi, c’est ça les discussions random quand t’as le loisir de pouvoir faire des choses pour lesquelles on te paye pas.
Les gens d’ici n’aiment pas le festoche, et c’est de bonne guerre semble-t-il. « C’est loin d’nos vies » me dit Martine « sauf quand ça parle de notre village ou de nos ancêtres ». J’hoche de la tête. Sa voisine dit que ça l’intéresse, qu’elle attend de voir le programme, qu’elle elle l’aime bien ce festival. L’agriculteur lui n’a pas le temps, il ricane sans trop s’attarder, il a trop à faire pour ses fruits, ses légumes, sa vigne et sa terre … et il ajoute que cette année « le gel il nous a tout niqué ». Moi c’était une année chelou, pour lui c’était une année de merde. On arrête de parler de ça. Le mec a faim, les meufs aussi, il dit qu’il espère que le gars qui tient l’resto leur apportera à bouffer, même s’il est tard. Et il est tard effectivement. Le type semble connaître le gérant, moi tout à l’heure en arrivant, Lix m’a dit que c’était Ludo. Ludo nous dit « je vous fait grâce du contrôle-passe,…
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Auteur: lundimatin