Article 49.3 et réformes sociales : une histoire française

Le projet de réforme des retraites, porté par le gouvernement d’Elisabeth Borne, donne lieu à un bras de fer entre le pouvoir et la rue qui, depuis le milieu du mois de janvier 2023, se manifeste par un recours à des formes classiques de mobilisation (grèves, manifestations), canalisées par un front intersyndical unanime.

Il s’est doublé d’un affrontement politique entre la majorité et ses oppositions, exacerbé par l’annonce du recours à l’article 49.3 pour faire adopter une loi contestée aussi bien par la rue que par une majorité croissante de Français.

Dans l’histoire de la Ve République, ce n’est toutefois pas la première fois qu’un gouvernement, isolé face à la montée de contestations sociales et politiques, doit engager une telle épreuve de force qui, dans un contexte incertain, comporte une réelle prise de risque. De fait, quelle que soit la nature de leur majorité, les gouvernements qui se sont succédé depuis 20 ans ont quasi toujours recouru à l’article 49.3 pour faire passer des projets modifiant en profondeur le système social ou la réglementation du travail – quitte à reculer ensuite sous la pression de la rue.

Mai 68 était aussi une crise parlementaire

Référent quasi inévitable de tous les mouvements de contestation sociale depuis cinquante ans, la crise de mai 68 ne s’est pas déroulée simplement dans les amphithéâtres et dans la rue. Elle a aussi réveillé les oppositions politiques à un gaullisme qui, usé par dix années de pouvoir, ne disposait alors que d’une majorité fragile, aussi bien dans l’opinion publique qu’à l’Assemblée nationale : le 24 avril 1968, il a manqué simplement huit voix pour qu’une motion de censure, portant sur la situation de l’audiovisuel public, soit adoptée.

En plein cœur du mouvement, alors même que l’exécutif semble partagé sur la réponse qu’il doit apporter aux revendications des étudiants comme des salariés, l’opposition dépose une nouvelle motion de censure, qui est discutée les 21 et 22 mai, dans un climat d’extrême tension. François Mitterrand, alors leader de la gauche non communiste, évoque alors une crise de régime qui décrédibilise le « système » au pouvoir et rend nécessaire une « alternative » politique, qu’il est prêt à incarner. Grâce à l’appui de Valéry Giscard d’Estaing et de son groupe des Républicains indépendants, pourtant critiques face à la gestion de la…

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Auteur: Mathias Bernard, Historien, Université Clermont Auvergne (UCA)