Artisanat et combat

Ce livre affronte la question décisive, à mon avis, de notre époque : la question poétique. Il fut un temps, un temps que Giorgio Passerone connaît car il l’a vécu, où l’on pratiquait la révolution sous forme de poésie. C’était une époque où tout, toute expérience, pouvait être mélangée à tout, parce que rien n’était rejeté en dehors du grand contenant de la rébellion. La parole explosait. Il y avait révolte dans les usines, dans les universités, dans les quartiers, dans les familles et il y avait production artistique, un grand nombre d’actes de création : carnets, journaux intimes, poèmes, peintures, lettres, graffitis, chansons, tracts, films, théâtre, romans, bulletins, déclarations, etc.

Dans cette perspective, pour G. P., pour moi aussi, il n’est pas de différence entre les graffitis écrits dans une gare contre la guerre et un poème d’Hölderlin ou de Leopardi. L’écrivain rejoint la vie de tant d’anonymes. Il devient lui-aussi anonyme dans cette rencontre. L’écrivain n’est plus le porteur d’un absolu, il est tout au plus la machine d’expression de bruits et de rumeurs, de silences, venant d’une foule impersonnelle en révolte.

C’est la raison pour laquelle la forme poétique est la manière la plus radicale de s’engager dans la bataille pour l’émancipation sociale. Créer – au sens large : inventer un tableau, faire un film ou une performance sur un plateau, écrire une phrase sur les murs d’un immeuble, devenir poète – est un acte politique puisque tout cela investit l’existence même, l’engage dans des devenirs-autres et donne consistance à des revendications, aux murmures de cette foule impersonnelle.

Giorgio Passerone reprend dans ce livre cet effort. Dès le début du livre il est très clair : si l’on ne pense pas, si l’on n’essaie pas de recoudre les fils d’un rapport entre art – il préfère artisanat – et lutte des plus opprimés des hommes, on…

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Auteur: dev