Associer les salariés à la gouvernance d’entreprise, une invention française (et pas allemande)

Par une étrange ironie de l’histoire, la France semble aujourd’hui se réconcilier, notamment via la loi Pacte (plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) promulguée en 2019, avec une tradition séculaire, historique, vivace et qui a fondé un des piliers de notre système de gouvernance. Alors que la vision financiarisée de l’entreprise exclut par principe et sui generis les salariés, les évolutions les plus récentes des entreprises permettent en effet de réhabiliter la présence des salariés au cœur de la gouvernance.

Avec la loi Pacte, la codétermination, c’est-à-dire la détermination en commun des décisions par les salariés et les actionnaires, se manifeste concrètement par la participation, au sein du conseil d’administration ou de surveillance de représentants désignés par les salariés.

Ainsi, les articles 184 à 186 de la loi Pacte (à la suite de la loi Rebsamen de 2015) rendent obligatoire et renforcent la présence des salariés au sein des conseils d’administration ou de surveillance dans les grandes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire (Société anonyme et Société en commandite par actions de plus de 1 000 personnes en France ou 5 000 personnes en France et à l’étranger). La loi introduit la présence d’un administrateur salarié lorsque le conseil compte jusqu’à 8 administrateurs, et de deux administrateurs salariés au-delà de ce seuil qui était jusqu’alors fixé à 12 administrateurs.

Cela n’est pas sans rappeler les systèmes germaniques et nordiques d’association des salariés à la gouvernance regroupés sous le terme de codétermination. Pourtant, cette idée d’impliquer les salariés dans la gouvernance émerge en France dès 1945, soit 30 ans avant la généralisation de ce modèle en Allemagne (1976), qui sert très souvent de point de référence historique sur le sujet. La participation des salariés figure d’ailleurs au huitième alinéa du préambule de la Constitution française du 27 octobre 1946 :

« Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises. »

Certes, le système allemand fait figure de modèle incontournable mais peu de personnes savent que la France a développé après-guerre une école de pensée autonome et novatrice dont les influences sont (partiellement) traduites dans les dernières lois qui permettent aux salariés de participer à la gouvernance et donc à l’orientation de leur entreprise.

Dépasser la conflictualité

Les prémisses proviennent de courants aussi différents que le socialisme utopique et le catholicisme social au XIXe siècle ou encore le mouvement coopératif au début de XXe siècle. Ces courants ont un peu plus tard influencé le général de Gaulle lorsqu’il a développé l’idée d’association du capital et du travail dès…

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Auteur: Xavier Hollandts, Professeur de stratégie et entrepreneuriat, Kedge Business School