Associer les salariés à la gouvernance : quels profils pour quelles perspectives ?

La gouvernance des actionnaires est souvent mise en avant comme au moins partiellement responsable de nombreux scandales organisationnels. Orpea, Big Pharma, fusion Suez-Veolia ou Unibail, dans ces affaires qui ont fait l’actualité ces dernières années, ils ont chaque fois été, pour une raison ou une autre, pointés du doigt.

Face à cela, la France s’est posée comme pionnière en matière d’association des salariés à la gouvernance. La loi Pacte, promulguée le 22 mai 2019, a approfondi ce qui semble être un véritable modèle dit de « codétermination » à la française. La présence de représentants des salariés dans les conseils d’administration (CA) avait été rendue obligatoire par la loi Sapin du 14 juin 2013, à raison de deux dès douze membres non-salariés. La loi Pacte a abaissée le seuil à huit et élargi l’obligation, sous certaines conditions, à des entreprises non-cotées.

Dans un rapport récemment publié, nous avons tenté de dresser un bilan de cette représentation des salariés dans les CA d’entreprises côtés du SBF 120 depuis début 2000. Des travaux récents avaient fait le lien entre représentation des salariés et différentes formes de performances (économique, financière, boursière, environnementale, de gouvernance), mais pointaient aussi la nécessité d’étudier ces relations au prisme des attributs sociodémographiques de ces administrateurs singuliers : quel est leur degré d’implication à la prise de décision ?

[Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. Abonnez-vous aujourd’hui]

Nous nous sommes intéressés aux deux catégories de salariés au sein des conseils d’administration (ou de surveillance) des entreprises : les administrateurs représentant des actionnaires salariés et les administrateurs représentant l’ensemble du personnel. Les tendances que nous relevons sont à la fois originales et contre-intuitives, et pallient l’absence de données statistiques consolidées sur le sujet.

Parmi les multiples angles adoptés dans le rapport, nous présentons ici trois tendances significatives issues de nos résultats en matière de féminisation, de modes de représentation et d’appartenance aux comités du CA.

Une féminisation en hausse… relative !

La féminisation des représentants des actionnaires salariés, pour commencer par ce point, est historiquement très faible. Un progrès notable a toutefois été induit par la loi dite « Copé-Zimmermann » du 27 janvier 2011 qui imposait un quota de 40 % minimum de représentant de chaque sexe au sein des conseils d’administration.

La tendance à la féminisation des CA par les représentants des actionnaires salariés semble cependant désormais réversible car ils ne sont plus pris en compte dans le calcul de ce quota depuis la loi Pacte. Cette évolution visait à harmoniser le traitement des représentants des salariés et des représentants des actionnaires salariés dans le calcul du taux de féminisation des CA.

Cette nouvelle donne comptable pourrait conduire les organisations à devoir se reporter vers d’autres leviers de féminisation. D’autant que l’on remarque par ailleurs, en moyenne, une diminution de la féminisation des représentants des salariés dans les CA diminue sur 20 ans (passant de 50 à 40 %).

Une nouvelle donne syndicale ?

Rappelons ensuite que, depuis 2013, d’après le Code de commerce, les administrateurs représentant les salariés peuvent être déterminés selon quatre modalités distinctes : élus par les salariés ; désignés par le comité d’entreprise de la société (ou le comité de groupe ou comité central d’entreprise) ; choisis par l’organisation syndicale ayant obtenu le plus de suffrages au premier tour des élections (ou individuellement par les deux premières lorsqu’au moins deux administrateurs sont à désigner) ; nommé par le comité d’entreprise européen.

L’évolution légale a été tout sauf anecdotique. Elle a eu des conséquences notables sur certains attributs des administrateurs salariés, et plus largement sur la gouvernance.

On remarque notamment que l’organisation d’élections pour représenter les salariés aux CA devient un mode minoritaire dès 2014. Lors de la présentation de notre rapport à une assemblée de représentants, l’un d’entre eux nous…

La suite est à lire sur: theconversation.com
Auteur: Mehdi Nekhili, Professeur des Universités, Le Mans Université