Plus de trente ans après l’attentat contre l’Association mutuelle israélite argentine (AMIA) à Buenos Aires, le mystère demeure entier. Ce jeudi 26 juin, un juge fédéral argentin a ordonné que soient jugés par contumace dix suspects iraniens et libanais, une procédure rendue possible par une récente réforme du Code pénal.
Cette décision, qui reste soumise à un éventuel appel, marque un tournant dans une affaire emblématique, qui a secoué l’Argentine. Les familles des victimes réclament justice.
La communauté juive traumatisée
Il est 8 h 53, le 18 juillet 1994, lorsqu’un bruit sourd retentit dans le quartier juif ashkénaze de Buenos Aires. Une voiture piégée vient de détruire le bâtiment de l’AMIA. Le bilan est lourd : 85 personnes sont tuées et près de 300 blessées. La communauté juive d’Argentine, la plus importante d’Amérique latine (plus de 250 000 membres) sort traumatisée du drame. L’ambassade d’Israël à Buenos Aires avait déjà été la cible en 1992 d’un attentat ayant fait 29 morts et 200 blessés. Aucun groupe terroriste n’a revendiqué les deux attaques.
Une enquête est ouverte. Très vite, des preuves matérielles disparaissent. La police et l’État argentins sont accusés d’avoir falsifié des témoignages. Un juge fédéral, Juan José Galeano, chargé de l’affaire, est démis de ses fonctions à la suite de « graves irrégularités ».
Dans une Argentine encore marquée par la dictature et une forte prévalence de l’antisémitisme, une question divise : l’attentat visait-il uniquement la diaspora juive, ou tout le pays ? « Deux visions s’opposent. L’une se concentre sur la communauté juive ; l’autre, au contraire, inscrit pleinement les Juifs dans la citoyenneté argentine, en assimilant le sort les victimes de l’attentat aux luttes plus larges pour les droits humains ». , explique Sébastien Tank-Storper dans La citoyenneté juive en…
Auteur: Charlotte de Frémont